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Big Shoot

+ d'infos sur le texte de Koffi Kwahulé
mise en scène Alexandre Zeff

: Présentation

Au commencement, dans le mythe, les cités nouvelles émergent du chaos.


Le monde ordonné s'établit sur la terre encore imprégnée de sang, remuée par le combat, car à l'origine du règne se trouve l'acte de violence. Dans sa quête de pouvoir, l'homme tue l'homme, son semblable, son frère. Caïn et Abel, Romulus et Rémus, Polynice et Étéocle, et tous ces frères ennemis dans l'histoire ou le mythe, nous enseignent que la civilisation se fonde sur le fratricide. Tout porte à croire, dès lors, qu'elle s'achèvera également ainsi.


Nos sommes tous des tueurs!


«Big Shoot» est une allégorie apocalyptique d'un monde sans valeurs ni repères, un poème né de ce qu'il y a de plus violent, de plus cru, de plus charnel, dans l’attachement cruel de deux individus qui se rencontrent. La pièce prend la forme d'un étrange réality show à l'américaine où l'enjeu est de faire de sa propre mort un spectacle, et de cette execution une oeuvre d'art. Un présentateur-bourreau abat à chaque nouvelle émission un candidat d'une balle dans la tête, sous l’oeil gourmand d’une foule venue de toujours plus loin. Or il ne reste qu’un survivant à tuer dans cette ville. Tout le monde espère que cette dernière exécution sera le «Big Shoot», la balle qui mettra fin au calvaire de la torture, à l'ultime violence du jeu auquel se prêtent volontiers tous les hommes.


La mise à mort comme oeuvre d’art publique. Pourquoi?


«La vanité, l’anonymat et l’ennui peut-être». Koffi Kwahulé nous met au coeur d’une humanité malade d’anonymat, d’autant plus malade que jamais nous n’avons disposé d’autant de moyens d’être connu ; plus nous multiplions les moyens de communication, plus l’anonymat et l’isolement sont confusément vécus comme une injustice cruelle.


Le titre de la pièce renvoie à une expression polysémique, dans un registre populaire et familier de cette langue. Ambiguë par ses multiples lectures possibles, l'expression «Big shoot» peut signifier une situation où quelqu'un devient une cible facile – un pigeon – pris au piège dans un guet-apens. La situation est sans issue pour celui qui est la proie et qui tente d'échapper au prédateur. Le titre fait également référence à la possibilité d'abattre quelqu'un avec une arme à feu. Il peut également évoquer l'injection d'une drogue par intraveineuse, le fait d'avoir une relation sexuelle rapide, une séance de photos de mode ou un tournage de film.


«Big Shoot» c'est également Abel et Caïn, le couple originel qui entraîne la malédiction de la race humaine. Ne dit-on pas qu'au début de notre conception nous sommes Abel et Caïn dans le ventre de notre mère, que si un seul naît cela veut dire qu'il a mangé l'autre, a été le bourreau de son double pour exister? Dès notre naissance nous devenons Caïn, nous sommes voués à errer sans cesse, à expier notre faute. Peut être est-ce la raison de cette fuite en avant de la société, de ce besoin de vouloir posséder à tout prix pour se sentir exister. Caïn n'est-il pas le premier bâtisseur des villes ? N'a-t'il pas construit des remparts pour fuir l'oeil qui l'observait ? Mais «l'oeil était dans la tombe et regardait Caïn»...


Le spectacle de la mort joué devant un public avide de sang.


«Monsieur» accueille devant les caméras de télévision et les spectateurs en studio, un invité dont le sort est connu d'avance. Il lui fabrique l'histoire d'un crime odieux, le soumet à un interrogatoire, lui inflige de multiples sévices, l'insulte sans arrêt et lui trouve même un alibi. La présence d'un public est cité dans la pièce, cette confrontation devient, sur le plan théâtral, une mise en abîme. Les spectateurs dans la salle, sont venus assister à ce spectacle pour satisfaire leurs désirs de voyeurisme, leur envies morbides.


Cette société a besoin de cette violence, de ce spectacle mortuaire pour assurer son équilibre affectif et psychique. C'est ce que décrit René Girard dans «La violence et le sacré» :


«La violence fondatrice constitue réellement l'origine de tout ce que les hommes ont de plus précieux et tiennent le plus à préserver. C'est bien cette violence mais sous une forme voilée, transfigurée, tous les mythes d'origine qui se ramènent au meurtre d'une créature mythique par d'autres créatures mythiques. Cette événement est perçu comme fondateur de l'ordre culturel.»

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