: La Pièce
Quatre jours de la vie de Nino et Petru. Dans l’arrière-salle d’un zinc
peu fréquenté ; l’un rêve de servir des cocktails dans un établissement
de catégorie supérieure, l’autre, au chômage, fricote avec la petite
mafia et perd invariablement aux cartes. Deux losers blottis dans le bar
où ils ont échoué.
J’ai découvert Spiro Scimone lors d’une représentation en italien de :
Il Cortile. Immédiatement, j’ai eu un coup de foudre pour cette
écriture.C’est vrai que son style se rapproche de Beckett avec cette
recherche du minimalisme des situations et cette exigence du rythme
dans les dialogues, mais il y ajoute une humanité et une force comique
qui nous rendent ses personnages plus proches de nous que les clowns
philosophes de Beckett.
Ils nous ressemblent ces deux hommes ; englués dans leur situation,
leur époque où on ne sait plus vers quel horizon se tourner pour
imaginer que demain sera meilleur qu’aujourd’hui, où le rêve ultime
de l’individu… c’est de gagner au jeu en écoutant de la musique
américaine !
Comme Mercier et Camier, ils vont dépenser une énergie phénoménale
à élaborer des stratégies pour faire du surplace. Ce bar, c’est aussi la
route où personne ne viendra jamais de Vladimir et Estragon. Est-ce
que ces deux solitudes peuvent s’additionner jusqu’à former le début
de la solidarité ? Ou bien ces individus resteront à jamais deux entités
distinctes ?
J’ai toujours aimé me trouver dans les bars et dans les théâtres de
la même façon. Ma première expérience de mise en scène fut au
conservatoire : Sur la grande route de Tchekhov dont le décor est un
bar au milieu de la steppe.
L’idéal serait évidemment un bar, non en tant que décors de théâtre
mais le lieu réel de consommation : faire d’un bar le théâtre de
Scimone, au plus près donc de ses personnages. Investir un lieu dont
la vocation première n’est pas théâtrale (un atelier de décors, une
arrière salle, un chantier couvert, etc.), l’extraire de son quotidien en
y ajoutant quelques éléments de scénographie imperceptibles et un
éclairage adéquate donne au projet une touche hyperréaliste. Il me
semble que c’est le moyen le plus juste, le plus contemporain de donner
à voir et à entendre la pièce.
À moins de transformer le théâtre lui-même en bar.
Le Public est-il alors toujours spectateur, ou s’est-il mué en
consommateur ? Ou carrément en élément du décor ? Comment cette
situation transforme-t-elle la perception du texte ?
C’est pour répondre à ces questions que j’ai envie de tenter l’expérience
de mettre en scène et de jouer ce texte drôle et puissant… et aussi pour
retrouver le bonheur de jouer avec Philippe Fretun.
Olivier Cruveiller
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