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Avril 08, conte moderne

+ d'infos sur le texte de Fabrice Dauby
mise en scène Fabrice Dauby

: Fulgurances du réel

Dans le métro, sur un moniteur qui borde les quais, un message attire mon attention. Il s’agit d’un avis de recherche, d’un appel à témoin : on aurait poussé un homme sur les rails du métro. Acte fou, désespéré, assassin.
Un autre jour, à la télévision, un homme en passe de se faire élire président de la République formule un voeu : « Rassembler le peuple français autour d’un nouveau rêve français ». Mais de quelle nature ce rêve ?
Dans mon sommeil, cette nuit là, un homme âgé ouvre la porte d’un placard. Les clés à la main, il me regarde, fier : m’apparaît alors dans l’obscurité une femme debout, vieille et laide, le corps dévoré telle une carcasse de mouton. « C’est ma mère, c’est ma mère », dit l’homme avant de refermer la porte des rêves.
Une autre fois, une idée folle arrête le cours de ma pensée : nous sommes en guerre. Plus tard, un légionnaire de retour d’Afghanistan me dira dans le train qui nous ramène à Paris :
« Devant moi, un enfant de douze ans, pas plus. Il pointe son arme vers moi. Qu’est-ce que tu fais ? Qu’est-ce que tu fais? T’as pas le temps de réfléchir. C’est lui, ou c’est toi. Si tu réfléchis, tu meurs avant lui. Qu’est-ce que tu fais ? Tu veux mourir ? Et puis sous tes yeux, là, dans le ciel, l’hélicoptère explose. Dedans, le pilote, c’est ton ami. Tu discutais avec lui juste avant qu’il décolle.
Qu’est-ce que tu fais ? Si tu penses à ça tu deviens fou. Tu peux pas continuer. Il faut pas réfléchir à tout ça. Il faut pas. Je suis là, c’est ça qui compte. Je suis là. Je suis là. »
En avril 2002, Richard Durn pénètre dans la salle où se tient le conseil municipal de Nanterre et assassine huit élus. Dans son journal intime, il note : « Je n’ai plus de famille, plus de référents, plus d’idéal et je n’ai toujours pas trouvé mon identité à 30 ans (...)
Je n’ai pas atteint un idéal d’humanisme et m’étant laissé aller au désoeuvrement et à l’échec, j’ai voulu tuer... »
De quoi parle Avril 08, conte moderne ? Probablement de ces fulgurances, de ces fragments de réel qui nous aveuglent, tout comme le monde qui nous entoure et que nous produisons.
D’autres fulgurances, d’autres rendez-vous avec le réel ont accompagné la gestation de ce qui est devenu un conte moderne. Pourquoi un conte ? Par ironie bien sûr, mais pas seulement, car il y une morale derrière cette mise à distance.
La morale de ceux qui se rassemblent autour d’un plateau de théâtre pour éprouver (en communauté) une part de leur humanité. Il ne s’agit pas de divertissement à proprement parler, mais d’une façon de se confronter à l’énigme de l’humain, d’en exprimer la puissance de vie et, ce faisant, d’accéder à une forme de méditation ou de joie tragique.

Fabrice Dauby

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