Sur la scène épurée, deux danseurs, un homme et une femme, en robe légère se trouvent dans la pénombre. Ils balancent les bras, les hanches, les jambes avec légèreté et force à la fois. Ils se déplacent, se croisent et se séparent. Ils dessinent des cercles dans l’espace avec tout leur corps, comme s’ils traversaient le cycle de la vie et de la mort. Les gestes se répètent dans une lumière sobre.Le temps passe dans la variété des bruits émis par leurs pieds qui foule le sol. Avec la transpiration, les robes qui couvent leurs corps se dissolvent progressivement au cours de la représentation, tout comme la vie qui disparaît et le noyau du passé qui apparaît.

An eternity before and after est la deuxième création de Lin I-Chin qui tire l’inspiration du rite funéraire, le khan-bông kua-tin, et du fruit de ses enquêtes de terrain. Loin d’être une reproduction du rite dans l’espace scénique, cette œuvre démontre son interrogation sur la destination ultime de l’âme ainsi que son point de vue sur les différentes étapes de la vie. En même temps, elle dévoile les réflexions de la chorégraphe sur l’utilisation du corps et la maîtrise de l’énergie vitale qui sont, à ses yeux, intrinsèquement liées avec notre attitude envers de la vie et l’environnement qui nous entoure.

Bien que traitant du même sujet, An eternity before and after diffère de The End of the Rainbow, l’œuvre précédente de Lin I-Chin par sa construction. Alors que The End of the Rainbow camoufle la distinction entre la scène et la salle et demande la participation directe du public, An eternity before and after met au défi les liens entre le regardant et le regardé. Les spectateurs assistent, à distance, au processus du cycle de vie construit par le corps et le souffle des danseurs. Les mouvements répétitifs et les variations des gestes symbolisent des fragments de la vie quotidienne. Ainsi, les spectateurs observent les étapes de leur propre vie et, par le biais de cette observation, font l’expérience du cycle sans fin de l’énergie vitale.