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Alice in China

Fabrice Melquiot ( Texte ) , Petros Sevastikoglou ( Mise en scène )


: Note d’intention de Fabrice Melquiot

Alice au pays des merveilles suscite souvent chez les metteurs en scène de théâtre le désir d’une adaptation scénique. Davantage que la fable d’Alice – au fond décousue, morcelée, née au fil de l’eau du récit à voix haute de Lewis Carroll à la petite Alice Liddell, lors de promenades en barque Z ce sont sans doute ses personnages, les relations qu’ils entretiennent, et le langage qui fonde ces relations qui intéressent le théâtre. Ici, chaque personnage est un monde en soi. Ici, la langue est un spectacle, avec ses mystères, ses jeux – labyrinthes où petits et grands ont plaisir à se perdre, emportés par la polysémie des propositions carrolliennes. Tout le monde connaît Alice. Tout le monde possède ses propres clichés d’Alice. Tout le monde en a au moins une représentation, une « idée ». Alice existe en nous comme un conte complexe, impossible à résumer, impossible à raconter. Chacun a une impression d’Alice. Une empreinte. C’est à partir de ces impressions, ces empreintes, que nous souhaitons élaborer notre projet. Moins raconter l’histoire d’Alice que donner à voir l’Alice que nous partageons, au temps présent, presque hors du livre. Alice, aujourd’hui. Alice, en Chine, aujourd’hui. Alice, dans une ville chinoise, aujourd’hui. Qui serait-elle, cette petite fille chinoise qu’on nomme Alice ? Qui serait le Lapin blanc dans une ville chinoise aujourd’hui Z cet animal mondain, vissé à sa montre, toujours pressé, qui cherche la prochaine soirée où faire le beau ? Qui seraient le Lièvre de Mars, le Loir, le Chapelier fou, ces trois clochards célestes qui se tiennent chaud dans la boisson ? Qui serait la Reine de Coeur, qui veut trancher la tête du premier venu ? Et comment le cirque peut-il traduire en corps et en mouvements, dans la grâce, la magie circassienne de leur rencontre, le langage de Carroll ? Qu’est-ce que cette Alice muette, qui ne parle qu’en prenant l’espace, pour y inventer une autre poétique ? C’est une Alice urbaine, contemporaine, une Alice des grandes villes chinoises, qui nous intéresse. Car la ville est devenue le centre de la terre, nombril du monde, lieu de tous les possibles. Alors oui à ses grands murs, si nombreux qu’on les dirait mobiles ; dans la scénographie que nous avons imaginée, ils le seront, multipliant les rues et les impasses, réduisant les espaces ou les agrandissant. Oui aux enseignes aux néons (stylisées), base de lumière, empreintes du livre, traces écrites : idéogrammes et mots en anglais pourront s’y mêler (pour indiquer la direction du Lièvre de Mars, de la maison du Lapin, les noms de certains personnages, une ou deux répliques emblématiques). Oui aux espaces étranges, indéfinis, qui deviennent bar de nuit, discothèque ou casino. Oui aux valets qui jonglent avec de la peinture et taguent les murs. Ainsi espérons-nous nous éloigner de l’imagerie carrollienne, usée par les représentations théâtrales et cinématographiques existantes, comme d’une forme de folklore chinois, qui nous intéressent moins que la capacité du cirque à concentrer le flux littéraire en images. Nous sommes convaincus que le talent des acrobates chinois doit leur permettre de raconter, à travers Alice, quelque chose de chacun dans la Chine d’aujourd’hui.

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