A quoi bon ? est une pièce pour une comédienne, une musicienne et un poisson rouge qui, tour à tour et ensemble, incarnent le personnage de Paule Emploi. Paule est au chômage. Quelle est la différence entre un travail et une activité ? Un travail est-il nécessairement rémunéré ? se demande Paule. Construit au gré des interrogations de Paule, A quoi bon ? forme une mosaïque de tentatives de réponses et de possibilités d'évasions. Musique et texte créent ensemble son univers absurde et (dés)enchanté. A partir d'un système lumineux géré au plateau et des éléments scénographiques déplacés sous l'impulsion des trois interprètes, apparaissent le salon de Paule, un coaching Pôle Emploi, un aquarium géant, un jardin, une salle de classe, un cabaret... Autant de bulles poétiques qui nous interrogent sur notre rapport aux chômeurs.

Paule Emploi est le symbole d’une génération désabusée mais qui a envie d’y croire, une génération qui a grandi sous le signe du sida, du performatif, de la productivité, de la méritocratie, de l’élitisme, de la désillusion du politique, du chômage. Paule Emploi est une femme, elle a un salaire inférieur à celui de ses compatriotes hommes, elle doit se battre deux fois plus qu’eux, elle hésite à mettre une jupe courte pour rentrer le soir tard. Elle oscille entre pragmatisme et utopie. Elle a 30 ans, pas d’enfant. Mais un poisson rouge, Paule.

Paule Emploi est au chômage. Elle s’ennuie. Alors à quoi bon ? Se lever le matin, manger, boire, chercher du travail, rêver, faire rêver, avoir des projets, rencontrer des gens, aimer, apprendre, découvrir, espérer, lutter, se révolter, se battre, sourire, se mettre en colère ? De là est née une dépression, profonde, plus envie de sortir, plus envie de rien. Alors, il ne restait plus à Paule qu'à regarder la télévision, s’abrutir devant les Feux de l’amour et espérer que quelque chose se passe. Mais rien n’est arrivé. La vie est morte, vive la vie !

Paule s’est levée, a nourri son poisson et s’est mise à écrire et à chantonner sa condition de chômeuse et celle des autres, à retrouver la mémoire et l’envie. Elle s’est remise à rêver.

Paule lit ; elle met en perspective sa situation de chômeuse avec celle des autres chômeurs, avec les analyses d’économistes sur la nécessité du chômage comme outil économique. Paule écrit : des textes d’aujourd’hui, racontant le monde d’aujourd’hui, avec poésie ou dérision, de petits contes urbains, des dialogues. Parfois, Paule les met en musique : elle aime bien le blues allemand, les petits bals perdus, et les histoires radiophoniques. Elle a une guitare, des pédales et des baguettes sans batterie. Elle empile, boucle, superpose, et crée ainsi l’univers sonore et insolite d’A quoi bon ?.

Un aquarium, une lanterne magique, une boule à facette, des bulles de savon : Paule aime bien les objets, surtout les ronds, qu'elle trouve rassurants. Et puis elle récupère : un vieil abat-jour un peu penché, des lampes ramassées dans la rue, des baladeuses fluos bon marché, des projecteurs diapos. Les objets se déplacent, la lumière se transforme, et les images envahissent l'espace. La scène se dilate afin de raconter ces espaces sensibles que sont le souvenir, l'envie, l’impalpable, le vertige. Présences réelles, images projetées et jeux de lumière s'entrelacent pour créer ces univers visuels protéiformes où l'ennui devient évasion.