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ANR - Rencontres recherche et création
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ANR - Rencontres recherche et création

Agence nationale de la recherche

Type de structure : Institution

Histoires : fonder la société

Après l’empire : construction de la citoyenneté en Afrique et en France

  • Frederick Cooper, professeur d’histoire, New York University

Dans un monde agité par des migrations et des déplacements, la citoyenneté semble donner un peu de fixité : l’appartenance de l’individu à un territoire national. L’histoire de la citoyenneté ne montre pas cette fixité. L’origine du concept – et le mot – ne renvoie pas à un seul peuple ou un seul espace national, mais à l’empire romain dans lequel la citoyenneté était un moyen d’incorporer des peuples divers. Pendant la révolution française, les assemblées hésitaient entre cette vision impériale et universaliste de la citoyenneté et un concept national et exclusif. Le débat perdurait dans le contexte d’un empire colonial, où la majorité des français d’outre-mer n’étaient que des « sujets coloniaux ». Quand la France, après la deuxième guerre mondiale, avait besoin de redéfinir sa conception d’elle-même, elle a opté pour la version inclusive de la citoyenneté : tous les ressortissants de la France d’outre-mer sont devenus citoyens. C’est après la décolonisation – quand l’état n’avait plus le besoin d’assurer la loyauté des populations d’outre-mer – que la France a basculé vers une citoyenneté plus exclusive. La question de la capacité des “immigrés” de devenir citoyens est devenue un objet de débat. Les anciennes colonies de la France – le Sénégal, la Côte d’Ivoire, etc. – ont suivi un chemin parallèle, vers des citoyennetés territoriales et exclusives.

Raconter la violence au-delà des générations

  • Giovanna Leone, professeur associé, psychologie sociale, Université La Sapienza Rome

Le philosophe Ortega Y Gasset nous a appris que “aucun homme n’inaugure l’humanité, mais tout homme continue l’humanité qui existait déjà”. Mais comment peut-on continuer l’histoire de son groupe et trouver sa place dans le monde, quand les générations qui ont précédé choisissent de taire les violences passées ? Et pourtant, ce silence fait aussi partie de l’époque à laquelle on appartient. Dans le conte d’Homère, Alcinoos explique à Ulysse la violence qu’il a subi mais aussi dont il a été l’auteur, dont le souvenir le fait pleurer, en lui disant que “les dieux ont filé la ruine des hommes, pour que la postérité puisse avoir un chant”. Mais, alors que la croyance d’un lien entre la violence humaine et le pouvoir de Ananke – la déesse de la destinée et de la fatalité – , a disparu pour toujours, et que l’homme est resté seul avec ses responsabilités et son effrayant pouvoir technologique de tuer, d’une façon toujours plus anonyme, le chant épique n’a plus de sens et les générations doivent trouver de nouvelles façons de raconter la violence. L’apport conjoint des textes de Benjamin et d’Arendt et des recherches empiriques auprès de descendants de victimes et d’auteurs de violences permet d’analyser quand le silence protège une paix encore fragile et quand il est enfin temps de réparer et réconcilier, en nommant la violence des évènements qui avaient été laissés dans l’oubli.

Homo itinerans : des hautes terres de l’Afghanistan aux rivages de l’Europe

  • Alessandro Monsutti, professeur, anthropologie, Graduate Institute Geneva

La société afghane a été marquée de façon durable par la guerre et l’exode d’une partie de sa population, mais également par la présence d’une myriade d’organisations internationales et non gouvernementales, ainsi que de forces armées provenant de nombreux pays du globe. L’Homo itinerans se décline ainsi de plusieurs façons : certains fuient la violence ; d’autres vont d’un pays à l’autre, au gré des crises et des emplois qu’elles suscitent. Aux déplacements des réfugiés qui essaient de se rendre en Europe, en Australie ou en Amérique du Nord correspond la circulation d’experts qui exercent leurs talents en Afghanistan après avoir été en République démocratique du Congo, en Palestine ou au Timor oriental. Ceux-ci se rendent du Nord au Sud et promeuvent des normes sociales et politiques censées être universelles ; ceux-là se déplacent en direction inverse du Sud au Nord et démasquent par leur mobilité la répartition inéquitable des ressources, que ce soit le bien-être économique ou la possibilité de vivre en sécurité. Ces mobilités multiples nous détournent de l’image de l’Afghanistan comme pays suspendu en dehors de l’historicité des régions qui l’entourent ; elles s’entrecroisent mais ne se déploient pas dans un monde horizontal ; elles expriment par leurs différences mêmes les relations de pouvoir et les inégalités globales.

Deuxième partie


  • Animation : Sébastien Chauvin, sociologue, professeur associé, Université de Lausanne ; Françoise Lavocat, professeure, littérature comparée, Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3, membre sénior de l’Institut Universitaire de France (responsable du projet « HERMÈS, histoire et théories des interprétations », financé par l’ANR)
  • Avec la participation de : Delphine Diaz, maîtresse de conférences, histoire contemporaine, Université de Reims Champagne-Ardenne (coordinatrice du projet ANR AsileuropeXIX) ; Jan Willem Duyvendak, professeur, sociologie, Université d’Amsterdam, directeur de l’institut néerlandais d’étude avancé en humanités et sciences sociales

S’exiler pour des idées

  • Delphine Diaz, maîtresse de conférences, histoire contemporaine, membre du Centre d’Études et de Recherches en Histoire culturelle (CÉRHiC - EA 2616), Université de Reims Champagne-Ardenne (coordinatrice du projet ANR AsileuropeXIX)

Dans l’Europe du XIXe siècle, l’exil a été le lot commun de patriotes, d’insurgés et de révolutionnaires, mais aussi de rois et reines et de contre-révolutionnaires contraints de s’expatrier pour défendre leurs idées. Les motifs du départ contraint sont divers. L’étude des grandes scansions de ces allers sans retours immédiats et des terres d’asile les plus recherchées par les exilés politiques du XIXe siècle – France, mais aussi Grande-Bretagne, Belgique et Suisse –, permet d’interroger les réactions contrastées des États et des sociétés d’accueil. L’asile accordé à ceux que l’on appelait de plus en plus couramment les « réfugiés » a d’abord fait débat dans la sphère politique, notamment à l’occasion de l’adoption de législations nouvelles les concernant (loi française d’avril 1832 sur les « étrangers réfugiés », loi belge de septembre 1835 sur les étrangers, Aliens Act britannique de 1905...). Mais la société civile n’est pas restée indifférente et elle a aussi réagi à l’arrivée des exilés par de multiples manifestations d’intérêt, de soutien ou encore de rejet. En retour, les réfugiés eux-mêmes ne sont pas restés passifs et n’ont cessé d’écrire des pétitions, de protester contre leurs conditions d’accueil et de tisser des liens avec certains segments de la société sensibles à la question de plus en plus brûlante de l’asile politique.

Le retour du nativisme : sexualité et race aux Pays-Bas et en France

  • Jan Willem Duyvendak, professeur, sociologie, Université d’Amsterdam, directeur de l’institut néerlandais d’étude avancé en humanités et sciences sociales

L’altérité culturelle et religieuse associée à l’immigration est devenue une question cruciale aux Pays-Bas. Alors que le racisme y est considéré comme quasi-inexistant, les discours culturistes et nativistes foisonnent. Ainsi, une différenciation en termes ethniques a été normalisée au sein des politiques publiques et des pratiques administratives, et l’espace social s’en trouve symboliquement divisé entre « autochtones » blancs néerlandais et « allochtones non-occidentaux ». Ce dualisme joue un rôle essentiel dans les débats actuels concernant l’intégration, l’identité nationale, la cohésion sociale et l’ordre moral. La formation sociale du nativisme néerlandais peut être abordée à partir de deux questions qui ont eu une place centrale dans le débat public actuel : la controverse à propos du déguisement blackface de Zwarte Piet, personnage central des festivités de la Saint Nicolas aux Pays-Bas et en Flandres, et l’émergence d’un « nationalisme sexuel » qui, tout en défendant des thèses nationalistes et/ou anti-immigrés, met en avant les droits des femmes et des homosexuels. Ces exemples montrent la place centrale des questions de race et de sexualité dans le débat public. Cette analyse permet ainsi d’éclairer les processus contemporains de « culturalisation » des citoyennetés et les dimensions morales ou les enjeux politiques qu’ils comportent aux Pays-Bas comme en France. Mais dans quelle mesure la situation française est-elle vraiment différente ?


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