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Agence nationale de la recherche

Type de structure : Institution

Crise et catastrophe / Ordre et désordre dans la cité

Mardi 11 juillet 2017 | 14h00 - 18h00

Villes en guerres ou en transformation, mouvements des marchés financiers, place des animaux dans la ville, autant d’exemples qui permettent de questionner comment la cité est mise à l’épreuve du désordre. L’argumentation, le débat, l’affrontement sont nécessaires pour que l’organisation de la société politique puisse se définir contre les violences, les injustices et les pouvoirs extrêmes.

Première partie


Avec la participation de : Julie Bertin et Jade Herbulot, comédiennes et metteuse en scène (Birgit ensemble) ; Gilles Dorronsoro, professeur de science politique, Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne ; Diana Mangalagiu, professeure, Environmental Change Institute, Université d’Oxford et Neoma Business School; Anne-Laure Liégeois, metteuse en scène ; Marion Fourcade, sociologue, professeure à l’Université de Berkeley, professeure associée Max Planck Science po center (MaxPo) ; Céline Spector, professeure de philosophie, Université Paris-Sorbonne, membre honoraire de l’Institut Universitaire de France Pierre Serna, professeur d’Histoire de la Révolution française, Université de Paris 1 – Panthéon Sorbonne, Institut d’Histoire de la Révolution Française

Deuxième partie

Détail des interventions

  • Ordre et désordre : la cité à l’épreuve des mutations urbaines en Orient

Diana Mangalagiu, professeure, Environmental Change Institute, Université d’Oxford et Neoma Business School

Aujourd’hui, de nombreuses villes dans le monde sont engagées dans un mouvement de transformation vers la durabilité. Dans cette quête, les villes doivent concilier des composantes de leur transformation à priori contradictoires : attractivité, expansion urbaine, financiarisation, lutte contre les inégalités, diminution des externalités négatives. Ceci dans un paysage où interagissent modèles de société, modèles marchands des organisations publiques ou privées et intérêts stratégiques. Dans ce contexte, ordre et désordre dans la cité s’opposent mais ne s’affrontent pas. Dans la réalité urbaine, l’interaction entre ordre et désordre détermine le changement. La tendance à l’ordre tend, d’une part, à « réparer  » les troubles urbains mais, d’autre part, souligne les conditions du désordre pour se manifester à nouveau et se matérialiser avec ses problèmes mais avec une vitalité implicite de transformation.

L’analyse de multiples niveaux et complexités de la gouvernance urbaine s’appuie sur une comparaison transnationale des études de cas à Shanghai, Jakarta, Istanbul et Beyrouth. Entre contextes autoritaires ou post-conflit, chocs entre pouvoirs et options de modèles de société, fleurissement des initiatives citoyennes dans un éventail diversifié de projets de développement et de défis associés : l’État, le marché et la société civile interagissent dans le même espace urbain et révèlent ses potentialités.

Les catégories morales dans l’ordre économique

  • Marion Fourcade, sociologue, professeure à l’Université de Berkeley, professeure associée Max Planck Science po center (MaxPo)

Le marché est souvent présenté comme froid et calculateur. Mais ses mouvements désordonnés révèlent que les esprits s’y échauffent fréquemment, se copient les uns les autres, s’emballent ou se relâchent au gré des « nouvelles » et au fil des arrivées de chiffres. Les jugements de moralité - ce qui est « bon  » et ce qui est « mauvais  »- sont mis en scène et mobilisés de manière routinière au cœur des mécanismes de marché. Les exemples de la notation de crédit des individus et celle des Etats souverains permettent d’analyser les normes sous-jacentes aux dispositifs socio-techniques, ainsi que leur rôle dans de nouvelles dynamiques inégalitaires.

Philosophie, violence et déraison : que reste-t-il du tragique dans la théorie politique ?

  • Céline Spector, professeure de philosophie, Université Paris-Sorbonne, membre honoraire de l’Institut Universitaire de France

Depuis son origine, la philosophie politique s’est édifiée en affrontant le risque tragique, celui de l’Objecteur violent prêt à faire vaciller ses certitudes sur la rationalité du Juste. Les modernes, en particulier, ont mis en scène un affrontement quasi-shakespearien : l’insensé (Hobbes), le raisonneur violent (Diderot), l’homme indépendant (Rousseau), ou le maître libertin (Sade) assument une fonction décisive. De manière plus ou moins explicite, ces « personnages conceptuels » mettent en péril le rationalisme moral et manifestent le prix du renoncement pulsionnel exigé par la société politique. Dans la bouche de celui qui refuse le sacrifice de ses désirs au nom de la raison et de la justice, le philosophe doit entendre qu’il n’est pas seul dans sa tour d’ivoire à dessiner les contours d’une utopie politique. L’Objecteur romancé fait irruption, avec ses sarcasmes et son ironie, avec ses arguments aussi, dans les coulisses ou sur la scène de sa théorie. Or l’occultation de cette figure dans la théorie politique contemporaine anglo-saxonne, dans le sillage de John Rawls n’est pas sans conséquences. Non seulement la philosophie purement normative devient moins persuasive, mais elle laisse hors de son champ les injustices les plus tragiques : le criminel, le nazi, le terroriste restent souvent en marge de la philosophie politique. Aussi le risque est-il celui d’un « retour du refoulé » d’une violence extrême. Face à ces figures de l’ennemi, les théories politiques mainstream se trouvent bien démunies.

L’invention d’un Eden républicain ? Les animaux dans le Paris révolutionnaire

  • Pierre Serna, professeur d’Histoire de la Révolution française, Université de Paris 1 - Panthéon Sorbonne, Institut d’Histoire de la Révolution Française

Paris au 18ème siècle : 95 000 bœufs, 500 000 moutons par an sont transportés jusqu’aux abattoirs, 60 000 chevaux sillonnent les rues. De nombreux tréteaux d’animaux savants qui occupent l’espace et structurent le regard et l’espace mental des parisiens en une géographie réelle et imagée que le marcheur Mercier, par exemple, décrit à merveille dans son Tableau de Paris. L’animal joue un rôle structurant de la ville, sur les axes qui mènent aux marchés, dans les rues, mais surtout dans les foires qui organisent l’espace de sociabilité et de commerce parisien.Avec la révolution, les législateurs, officiers municipaux et « policiers régénérés » n’ont de cesse de repenser le territoire de l’animal dans la cité. Dès 1793, la police des animaux en ville est entièrement refondée, c’est une ville républicaine qui est réinventée à travers son rapport à l’animal. La création du Muséum d’histoire naturelle (juin 1793) propose une géographie politique de la visite, de la conservation et de la monstration citoyenne des animaux dans un lieu pensé comme un Eden républicain. La ménagerie attire des centaines de milliers de visiteurs à partir de 1798, avec l’arrivée du couple d’éléphants Hans et Margueritte, jusqu’à la venue de Zarafa, la girafe offerte par Mehmet Ali à Charles X en 1827, qui a été vue par 600 000 personnes en une seule année dans une ville de 700 000 habitants. La ménagerie contribue à recomposer l’espace autour du jardin des plantes, monument presque « invisible » mais qui organise encore de nos jours un quartier façonné par le temps de la naissance de la République. Une géographie du vivant à la place d’une géographie de la pierre, une géographie animale plutôt qu’une monumentalité « trop » humaine : les républicains inventaient une sociogenèse de l’histoire heureuse, d’un temps où les hommes étaient en paix avec les autres vivants, avant la monarchie, comme un Eden retrouvé, une ville pacifiée au milieu du fracas de la Révolution.


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