theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « La Maison des morts »

La Maison des morts

+ d'infos sur le texte de Philippe Minyana
mise en scène Robert Cantarella

: Notes de travail de Robert Cantarella

Par Robert Cantarella

I. Le prologue. Reconstituer.
Le prologue, comme une bouffonnerie qui livre tous les motifs à venir : la loi, le meurtre, la famille, la pauvreté, le corps mécanique, les fantômes, la police, les doubles… L’envers du théâtre. Penser aux acteurs qui, avant de représenter la pièce officielle, la rejouent de façon burlesque, depuis sa face opposée. Ils conjurent le sort de la tragédie qui annonce sa puissance d’efficacité.


L’antichambre de la tragédie de notre temps : la maison et ses abords, les marges des espaces industriels.


Le prologue en sept mouvements, en sept blocs de situations qui donnent le chiffre de l’écriture à venir. Le chiffre, donc tous les calculs qui constitueront la fabrique de théâtre à venir.


Lorsque le mannequin demande la reconstitution, c’est la morte même qui veut refaire l’acte. La pièce est la reconstitution d’un meurtre, ou d’une vie jusqu’à sa disparition.


La reconstitution demandée au début est l’effort, la tension de toute la pièce. Il faudra reconstituer les mouvements du corps et de l’esprit qui ne sont pas cadrés officiellement. Reconstitution des précipités de l’âme et des conséquences sur le comportement.


Reconstituer, c’est faire du théâtre. Pour connaître l’identité des meurtriers, il faut faire du théâtre. Après le prologue, le théâtre peut commencer.


II. Sorcières. Contes et légendes.
Michelet parle si bien des sorcières. Labeur des forêts et des jours sans destination où se fomentent les potions et les pouvoirs. Habitantes des lisières.



Les femmes dans la pièce sont des fonctions en acte : la Femme au regard acérée, la Femme à la natte... Les acteurs sauront que cette marque est la façon dont on les perçoit.
Tout s’invente à partir de là.



Ma maison des morts est à la sortie du village.


III. Jouer la comédie.
C’est l’histoire d’une chute, c’est un drame à station. Dans chaque station se reconstitue la province des vies. Philippe Minyana décrit la province qu’il connaît parfaitement, comme le fond de sa mémoire, la vie loin de la capitale, en périphérie des questions fondamentales de la communauté. Là, se joue les aventures du presque rien, les copeaux de biographies.


Pas assez de densité, de matérialité, seuls les artistes peuvent y trouver la raison de leurs tâches (« vies minuscules », disait Pierre Michon). Vues de biais, vies pour rien. Se souvenir de la précision des descriptions.
La chute : c’est-à-dire la lente descente vers la culpabilité. Le doux abandon au ne plus agir, au laisser faire.


La Femme à la natte ne peut plus jouer la comédie du travail. Elle essaye de se lever pour continuer à représenter son allure dans le flux des corps au travail. Elle n’y arrive pas. Le travail fait partie des hors champs de la pièce. La voix, la loi donne les formes agissantes du pouvoir et de sa mesure. La femme au milieu du cadre ne peut plus tenir debout. Elle retourne au lit.
On dit cela aux enfants : «Qu’est-ce que tu fais là ? Retourne te coucher  !». Elle retourne vers l’enfance qu’elle garde au lit. Elle ne joue plus le jeu de la loi, de la raison de la loi.
Se souvenir que la loi est toujours raisonnable dans sa formulation.


Elle vieillit. La Femme à la natte change d’aspect, elle perd ses couches de vêtements et devient son propre corps, celui de l’actrice, celui de Catherine Hiegel.
À chaque station, sa natte se raréfie.


IV. Voyager dans la langue.
La maison des morts, là où vivent les morts, là où ils ressemblent aux vivants qu’ils imitent au point de se prendre pour eux, de se confondre. Ils font leur vie de mort.


Traiter la farce en drame et le contraire. Prendre les images au pied de la lettre. Et surtout ajouter de la lettre, des écritures.


En même temps que l’action on voit le texte qui accompagne la situation. Comme dans les livres pour enfants qui refont la légende des images : Là où l’on apprendra que…
C’est l’entrée dans l’histoire. Faire deux fictions : le vu et le lu.
Nous réalisons un rêve de théâtre. J’ai rêvé cela : un théâtre qui se lise et se voie en même temps.


Refaire le travail de l’auteur. Retracer les agencements de ses montages.
Plan fixe dans lequel le langage construit (figure en fait) les dimensions et les horizons nécessaires. Dans ce plan fixe, on assiste au voyage de la langue. Ce qui bouge est la jouissance de la langue à s’inventer des situations (presque stations in situ). Face à l’extraordinaire, répondre par le déceptif. Jouer de la durée.


Philippe Minyana invente le roman d’une situation. C’est le montage qui donne à voir. Nous devons, pendant le travail, laisser filer la situation et refaire notre propre montage. Connaître les suites.


L’émotion doit élargir un milieu et augmenter les surfaces de réception, exactement comme l’intelligence, d’ailleurs c’est la même envie de l’autre qui fabrique l’ouvert à l’instant de l’accueil.


V. Le théâtre. Ses artifices.
Politique : il s’occupe des rebuts, des déchets, de ce qui est abandonné, de ce qui est sans valeur. S’en occuper avec un soin d’orfèvre, d’amoureux sans orgueil, ou sans vanité. En remontant des chutes, en agençant le banal.


Pas de message, mais un montage qui accompagne le roman d’une sur-vie.


Travail sur l’à-plat, comme des cartons qui ne cherchent pas à figurer les clairs obscurs, les profondeurs de l’âme.
Les ombres ne font pas le modelé. On vient depuis le fond.


Une seule maison devient toutes les maisons. Le théâtre et ses artifices, mais aussi les dimensions de la rêverie éveillée.


Les six mouvements constituent le cycle de la demi-saison d’une vie.
Un assemblage miraculeux de tout ce qu’il faut pour façonner de l’humanité

Robert Cantarella

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.