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Accueil de « Copi, un portrait »

: Colette Godard

L'exil, comme une période de la vie où l'homme s'ouvre à la liberté " (...) Mon père qui avait l'habitude de l'exil, le considérait comme une période de la vie où l'homme s'ouvre à la liberté "... Ces mots tirés de la préface de Rio de la Plata - un roman jamais écrit- sont dits par une voix off, grave et chaleureuse. Ainsi commence Copi - un portrait, spectacle dans lequel prennent vie les personnages absurdes devenus familiers : la Femme assise, et aussi, sous les traits et dans le corps de Marcial Di Fonzo Bo, Eva Peron, Loretta Strong. Avec lui, il y a Élise Vigier et Pierre Maillet.
Tous trois font partie d'une compagnie, les Lucioles, qui se consacre aux auteurs contemporains, de Fassbinder à Leslie Kaplan, en passant par Jean Genet et Peler Handke...
Tous trois aiment Copi. Marcial Di Fonzo Bo de plus près sans doute que les autres. Non qu'il l'ait connu, mais d'abord lui aussi est argentin, il est né à Buenos Aires en 1968. Ensuite son oncle et sa tante, Facundo et Marucha Bo lui ont "donné des tuyaux" : avec le Groupe TSE, ils avaient créé Eva Peron. C'était en 1969 au Théâtre de l'Epée de Bois, petite salle aujourd'hui disparue. Un scandale. En Argentine, les oeuvres de Copi sont interdites. A Paris, des militants d'extrême droite cassent tout sur scène.


Où en est Copi aujourd'hui ?
Trente ans plus lard, la seule question à se poser était : où en est Copi aujourd'hui?
Très vite, tout de suite, est arrivée la réponse rassurante. Aujourd'hui, "l'enfant pornographe" dérange moins que l'homme de tous les exils, celui qui regarde, qui sait et se moque. Il n'a rien perdu de sa tranquille virulence, ni de son charme. Son humour, sa familiarité avec la mort, son intelligence, sa pureté, sa lucidité politique ont traversé le temps, ont gardé leur impact.
Amener les spectateurs au-dedans de son monde instable, tendre et impitoyable Fasciné par ce personnage secret, Marcial Di Fonzo Bo a voulu le connaître, et a décidé de le raconter, d'amener les spectateurs au-dedans de son monde instable, tendre et impitoyable. Or, avant de mourir du sida en 1987, Copi a écrit une quinzaine de pièces, des romans, des lettres, a produit des milliers de dessins, parus dans le Nouvel Observateur pendant les années 60 et 70, et qui lui ont apporté la célébrité : les aventures de la Femme assise, masse abrupte, immobile, lourde de tous les préjugés, face à un volatile maladroit et innocent.


Copi face à la lourdeur de la société
Une question s'est alors posée : que choisir et comment ? Un portrait de Copi était impensable sans cette Femme assise. Elle est là, présente, immense, en dessins qui s'animent. Miracle informatique, paradoxal dans la mesure où d'un dessin à l'autre, la Femme reste assise immobile, jetant quelques formules elliptiques autant qu'absurdes, complétées en quelque sorte par la musique de Pierre Allio.
D'abord, les Lucioles se sont imprégnées de toute l'oeuvre de Copi, puis se sont laissées "mener par le plateau ". Par le jeu de masques et de travestissements qui caractérise le théâtre de Copi. Un jeu né d'une tradition argentine toujours vivace, celle de la "revue", forme de music-hall qui enchevêtre les styles - du burlesque grotesque à la satire politique, en passant par les chansons - et qui ouvre le spectacle, avant même que le public soit entré dans la salle. Histoire de le mettre tout de suite dans l'ambiance.


Deux thèmes d'une perpétuelle actualité
Pendant la préparation, deux thèmes se sont dégagés, d'une perpétuelle actualité : l'exil et la famille. Enfant d'exilé, exilé lui-même, Copi a toujours vécu, où qu'il soit, dans un monde qui n'était pas le sien. Dans la préface de Rio de la Plata, il écrit : " Il y a deux exils, l'intérieur et l'extérieur. Quand on parle d'ennemi intérieur on ne sait pas s'il s'agit du diable qui vous possède, d'un opposant politique ou d'un ver solitaire. L'ennemi extérieur est d'autant plus redoutable qu'on ne l'a jamais vu".
Alors, d'Eva Peron, personnage shakespearien entre Lady Macbeth et Caliban, en lutte contre le cancer, son infirmière et sa mère, jusqu'à Loretta Strong, cosmonaute enfermée dans sa capsule avec son rat, le spectacle suit le parcours sensible de Copi, depuis le rêve d'exil comme symbole de liberté, jusqu'à l'exil en forme de solitude dans l'infini du ciel et de la mort. " Loretta Strong, dit Marcial Di Fonzo Bo, contient à l'état brut toutes les obsessions présentes dans l'œuvre de Copi. Il nous fait rire de son monde sans issue. On en rit et on est profondément atteint".


Comme si le mort et le vivant se rencontraient
Copi a beaucoup joué Loretta Strong, un peu partout - et même en ltalie dans une version pour enfants ! Il disait ne pas parvenir à tuer le personnage, et c'est pour s'en débarrasser qu'il a écrit le Frigo. Son dernier rôle.
Lorsque Marcial Di Fonzo Bo endosse la robe d'Eva Peron, lorsqu'il traverse la salle dans la dépouille de Loretta Strong, se produit une sorte d'alchimie. Comme si le mort et le vivant se rencontraient au centre d'un espace indéfini. L'espace du théâtre où renaît l'esprit de Copi, son sourire, sa poésie.


Colette Godard pour le Théâtre de la Ville

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