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Accueil de « Copi, un portrait »

: Armando Llamas

Là où la plupart des dramaturges trouvent leur truc ou leur manière qu'ils exploiteront jusqu'à la nausée, Copi confronte à chaque fois son univers personnel à une forme théâtrale nouvelle. Dans Loretta Strong, le personnage unique fait intervenir par le biais de la parole une foule d'autres personnages bien distincts. Ce n'est pas un monologue au sens classique du terme, mais une pièce théâtrale à plusieurs personnages avec un seul comédien.


L'oeuvre de Copi serait une comédie onirique. Les limites étroites de la vie ordinaire commencent peu à peu à élargir leurs frontières. La mort n'est plus un cauchemar mais un rêve comique, un rêve où les bornes et les finalités auraient depuis longtemps cessé d'exister. On croit trop souvent que le théâtre de Copi est "rigolo" ou "drôle" ; never mind, on a pu lire aussi dans un grand quotidien que Gertrude Stein était un écrivain dadaïste ou qu'Erik Satie était un compositeur mineur. L'humour de Copi existe, mais en tant que manifestation extrême de délicatesse et de pudeur, comme une manière d'éviter les pièges de la pédanterie et de l'emphase. Les pièces de Copi sont atroces, désespérantes, d'une noirceur extrême. Elles sont le pendant exact d'un Samuel Beckett, mais d'un Samuel Beckett qui ne se croirait investi ni du poids du monde ni du poids du moi, oui, d'un Beckett avec de la pudeur, en somme.


Les personnages de Copi n'ont d'autre épaisseur que celle de la parole, le théâtre leur donne. Tout, absolument tout, peut leur arriver, comme des amibes, par scission, ils deviennent multiples ; ils meurent et ressuscitent ; ils sont beaux et hideux ; animés par des soubresauts de bonté et des crises de méchanceté, ils éjaculent de la poésie et caressent de la merde ; ils sont illimités, car ils ne connaissent d'autres limites que celles du théâtre. Les sentiments (et l'écriture) qui les animent sont leurs grands sentiments, immuables, vivants, contemporains, à savoir : La faim. L'argent. Le cul. La maladie. Le pouvoir. Le doute. La certitude. La métamorphose. L'amour. La mort.


Si jamais comédie humaine a été écrite à notre époque, c'est bien celle constituée par les personnages de Copi. Putes, arabes, folles, rongeurs, marsupiaux, vaches, travestis, insectes, metteurs en scène, prêtres, comédiens, détectives, concierges, extra-terrestres, femmes de chambre, ouvriers, infirmières, présidents. L'ironie doublée de l'illimité peut faire rire, c'est certain.


Armando Llamas
Août 1987

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