theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « Quatorze minutes de danse »

Quatorze minutes de danse

+ d'infos sur le texte de Sonia Ristić
mise en scène Sonia Ristić

: Entretien avec les comédiens

Comédiens, Salomé Richez et Vincent Cappello travaillent depuis plusieurs années avec la Maison d’Europe et d’Orient (M.E.O) qui découvre, lit, traduit et édite* (et le cas échéant monte) des textes d’auteurs contemporains originaires des Balkans, de l’Europe de l’Est et du Caucase. En juillet 2007, Dominique Dolmieu qui dirige l’établissement leur propose la lecture de Quatorze minutes de danse, un texte qu’ils découvrent pour l’occasion. Deux ans plus tard, alors qu’ils s’apprêtent à interpréter les deux personnages de la pièce au TARMAC, ils ont répondu, sans se concerter, à ce questionnaire croisé.


Le personnage que vous interprétez n’a pas de nom. Il est appelé « Elle », « Lui ». Pourriez-vous nous le présenter ?


SALOMÉ RICHEZ : « Elle » me touche beaucoup car malgré tout ce qui lui est arrivé, elle continue à vivre, en jouant, comme une enfant. Malgré l'horreur qu'elle a traversée, elle ne rentre pas dans la folie qu'on pourrait supposer en découler, elle la touche du doigt mais en ressort aussi vite parce qu'elle est dans une vraie relation avec Lui. A travers tous leurs jeux, leurs rites, leurs histoires, leur façon de continuer à être de grands ados, elle vit. Elle dit à plusieurs reprises qu'elle survit mais ce que je trouve très beau c'est qu'à travers sa relation à Lui, on voit qu'elle a dépassé la survie, même si elle doit connaître des moments sombres...


VINCENT CAPPELLO : Je me sens très proche de Lui. Je crois que cela vient du fait qu’on a à peu près le même âge avec Sonia, qu’on a eu le même genre d’adolescence. Avant la guerre, j’imagine Lui comme un « beau looser », un mec, un peu paumé, qui a grandi dans le calme et l’ennui d’une petite ville de province. C’est la période punk pour les retardataires. Punk mais pas trop. Son meilleur pote s’appelle Samir. Ils jouent au basket ensemble. C’est l’âge où ils découvrent les filles. Lui n’est pas très doué, ni pour le basket, ni pour les filles. Et encore moins pour la danse. En secret, il est amoureux d’une fille mais c’est la fiancée de Samir. Alors il ne peut rien faire. Il passe du temps avec les Tziganes derrière chez lui, il essaie d’oublier. Il découvre l’amour avec Alma. Il passe un été avec elle. Il compose des chansons pour elle. Il part au service militaire parce qu’il n’a rien de mieux à faire. Alma le laisse tomber. On sent une forte présence de son père. Lui le cite à toutes les phrases. Il n’y a aucune raison pour que Lui sorte de ce train-train d’éternel adolescent. Et puis, la guerre éclate…


Consciemment ou non, avez-vous donné à votre personnage une « réalité de terrain » ?
Si oui, laquelle ? Et pourquoi celle-ci plutôt qu’une autre ?


VINCENT CAPPELLO : La seule réalité de terrain que j’ai donnée est la mienne. Lui a grandi dans mon village, l’église derrière chez lui est celle de mon village et la fille dont il était follement amoureux adolescent mais à qui il ne pouvait pas l’avouer à cause de son meilleur pote est celle dont j’étais follement amoureux adolescent mais à qui je ne pouvais pas l’avouer à cause de mon meilleur pote. Bon, pour le pope je fais un petit effort pour pas dire le curé ! Ca permet de le rendre concret. De lui donner vie. Et puis, la guerre éclate… Tout ça aurait pu arriver à l’adolescent que j’étais. En tout cas, c’était aussi impensable pour Lui que pour moi. Je dis ça pour nourrir l’imagination. Bien entendu, il ne s’agit pas de faire croire que j’ai vécu ce que raconte Lui. Il s’agit de se rendre disponible. Les mots de Sonia font le reste…


SALOMÉ RICHEZ : J'ai eu l'occasion de faire plusieurs voyages en Serbie et je me suis beaucoup attachée à ce pays et aux gens que j'ai rencontrés. Leur façon de me raconter leurs guerres (j’emploie le pluriel car j’ai vraiment ressenti que c'était à chacun sa guerre) au détour d'une histoire, avec un détachement incroyable et toujours en essayant de parler des moments de vie et de joie plus que du reste, m'a vraiment déroutée. Je ne pense pas avoir donné une "réalité de terrain" à mon personnage mais je pense que je suis nourrie de ces voyages, de ces rencontres. Nous sommes tous nourris de nos histoires mais nous cherchons nos personnages à partir du concret du texte, de son rythme, de la situation proposée, ici, un homme et une femme dans un espace clos. En fait, la seule réalité de terrain c'est celle du plateau, du texte et de la relation au personnage. Plus on travaille sur le plateau et plus j'ai l'impression qu'on touche des choses justes. C'est un très beau texte, très bien écrit, qui nous surprend à chaque fois. C'est peut-être cliché de dire tout ça mais un texte qui parle de telles choses peut vite partir dans l'accusation, le pathos… Celui-là non !

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.