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Mort d'un parfait bilingue

+ d'infos sur le texte de Thomas Gunzig
mise en scène Benoît Verhaert

: Le titre

Les titres des romans et nouvelles de Thomas Gunzig sont à eux seuls déjà une histoire. Mort d’un parfait bilingue n’échappe pas à la règle. Voici ce qu’il a évoqué chez Benoît Verhaert, metteur en scène du spectacle qui a, par ailleurs, signé l’adaptation théâtrale.



Le titre est étonnant. Personnellement, je le trouve très drôle, mais il n’a, a priori, rien à voir avec le sujet. C’est une habitude chez Gunzig, c’est son côté surréaliste, sa belgitude incongrue. Il ne faut peut-être pas chercher plus loin. Pourtant, en y regardant de plus près, ça m’inspire quelques réflexions.
D’abord, en tant que Belge, l’expression « parfait bilingue » me parle beaucoup. Depuis ma plus tendre enfance, on me rabâche les oreilles avec ce concept sacro-saint : être parfait bilingue, c’est le niveau idéal à atteindre pour tout étudiant, quelle que soit sa branche (sauf peut-être en théâtre…). C’est l’atout majeur sur le marché de l’emploi, c’est la condition sine qua non pour rester loin des files de chômage, enfin être parfait bilingue c’est être un Belge comme il faut. Donc, évidemment, en bon iconoclaste, Gunzig s’amuse à casser ce onzième commandement de chez nous. On pourrait donc en déduire que, par ce titre, Gunzig annonce que son roman veut tuer ce qu’il reste en nous de politiquement correct, et que son héros ne sera pas quelqu’un comme il faut.
Pour les non-Belges, on pourrait dire aussi qu’un homme bilingue, c’est quelqu’un qui se trouve entre deux langues, entre deux cultures, entre deux camps. C’est un interprète qui peut servir d’intermédiaire, ou de punching-ball… Et la société que nous dépeint Gunzig n’est que dualité : la ville est coupée en deux (la zone pourrie et le clinquant quartier résidentiel), la guerre, bien sûr, oppose une armée officielle qui agit dans la lumière des projecteurs de la télévision et d’obscurs terroristes invisibles, nuisibles comme des rats d’égoût. L’armée aussi est divisée en deux (les forces régulières et l’élite que sont les « Pluies d’Automne »), au sein même de l’élite militaire il y a un fossé très net entre le commandant et le gros de la troupe.
Enfin, le monde entier semble organisé en deux grandes catégories bien distinctes : les gros industriels et les autres, ou, plus trivialement, les putes et leurs clients.
Mais on pourrait dire aussi qu’être bilingue ça veut dire avoir deux langues, donc une parole double. Bilingue pourrait donc, au sens large, être synonyme de fourbe. Et c’est bien ce que nous raconte le roman, l’histoire d’un parfait fourbe, qui n’a plus que l’instinct de survivre dans ce monde sans foi ni loi, au point de saigner à blanc la part d’humanité qu’il lui reste.

Benoît Verhaert

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