Luce, la petite, est-elle condamnée à vivre en marge du monde, dans un en-dehors du monde ?
Cet « en-dehors » est la maison de sa mère, une pièce unique aux murs sales et gris, éclairée par une fenêtre qu'on imagine étroite ; une porte qu'aucun étranger ne franchit, jamais. Ombre.
La Varienne, c'est la mère, la pauvre d'esprit, l'idiote du village. Elle ignore les mots, vit sans, mystère qui dépasse notre imagination. Un être humain qui se passe de la parole, de l'entendement, fait-il partie de notre humanité ?
Ou est-ce autre chose ?
On ne sait pas ce qu'elle pense, si elle pense, on ne sait pas ce qu'elle ressent, si seulement elle ressent quoi que ce soit. Son regard même n'exprime pas et fuit. Abrutie, demeurée, emmurée dans son silence. Ombre.
Abruties, demeurées, toutes les deux ? Faut-il croire les apparences ?

Entre elles existe un lien indestructible, fragile. Lumière ?
Une relation en deçà des mots. Dans les yeux de la mère, rien. Dans les yeux de l'enfant, plein de questions non formulées. Commencement de la lumière.
La séparation physique va révéler cet attachement : elles sont pleines l'une de l'autre, accomplies à leur mesure. Lumière. Mais pas aux yeux des gens du village.

Mademoiselle Solange, l'institutrice, perçoit en Luce une étincelle qu'elle veut faire croître. Transmettre et faire grandir, tel est son métier.
Donner les mots, mots sonores, mots de craie et d'encre, elle y consacre sa vie.
Quand elle commet l'acte impossible, écrire le nom du père, elle croit qu'elle a brisé toute chance de sauver Luce.
Elle comprend qu'il existe quelque chose de plus fort, l'amour de ces deux-là, la mère et la fille, lui fait prendre la mesure du poids de sa solitude.
La fin accidentelle de Mademoiselle Solange est une mort symbolique de l'aboutissement d'une chose accomplie contre les préjugés, contre la lâcheté, contre la petitesse des comportements. C'est aussi un événement nécessaire au dénouement de l'intrigue.
En Luce les mots sont chansons et fils brodés de couleurs.
Des mots-lumière.