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L'Homme-Jasmin

+ d'infos sur l'adaptation de Magali Montoya ,
mise en scène Magali Montoya

: Genèse du spectacle

Le livre L’Homme-Jasmin m’a été offert par une amie, début 2005. L’amie qui me l’avait donné ne l’avait pas lu.
Le sous-titre : Impressions d’une malade mentale et la fin tragique de son auteur - Unica Zürn s’est défenestrée - auraient pu laisser présager une lecture accablante.
Il n’en fut rien.


On ne résume pas L’Homme-Jasmin. Et s’il était possible de le faire, je n’aurais pas le désir de le mettre en scène.
S’il faut un repère, on peut dire qu’il s’agit du récit d’une vie, une vie intimement liée à la création, celle d’Unica Zürn, à partir de l’année 1953.
Bien que ce ne soit pas si clair que cela.
Unica Zürn travaille sur des frontières, des limites floues. Autobiographie, fiction, imaginaire s’imbriquent.


Si l’on veut un repère géographique, on peut prendre appui sur les déplacements de cette vie et les allers retours entre le pays natal, l’Allemagne et la France.


A cela s’ajoute l’essentiel. A savoir ce qui fait de L’Homme-Jasmin une oeuvre littéraire singulière et sublime : un style incomparable, des élans bouleversants de vérité, un voyage dans les abîmes de l’être, l’aveu d’instants d’extase, un envol intérieur.
L’espace du dedans, par définition impossible à partager, nous parvient grâce au travail, à l’écriture d’Unica Zürn. Une oeuvre dont la clef d’entrée pourrait être : Ecouter /Voir.
La devise de l’auteur les images doivent parler d’elles-mêmes atteint ici son but.


Ma première pensée a été de partager cette découverte. J’avais la certitude que nous étions nombreux - et pas tous fous - à être susceptible d’être touchés par cette oeuvre.


Jusqu’ici tout va bien, nos choses commencent toujours un peu comme ça.


Au printemps 2005, lors d’une rétrospective Fassbinder à Beaubourg, j’apprends qu’Hanna Shygulla va présenter un film à elle Protocole de rêves dont l’origine est L’Homme- Jasmin. Fassbinder lui avait proposé, pour la première fois, de ne pas être seulement sa muse et sa poupée mais de travailler avec elle à l’adaptation et à la genèse du film. Ils avaient commencé. Hélas, le compagnon de Fassbinder meurt et Fassbinder délaisse le projet pour tourner un requiem à son compagnon L’année des treize lunes. Lui-même décède peu de temps après. Hanna Shygulla reste seule avec ce désir. Elle ne se sentait pas le courage de lui donner une suite. Seule. Mais partant de ce manque-là elle a commencé un travail sur ses rêves et a filmé des images qu’elle monta bien des années plus tard.
Après la présentation de son film, j’ai l’audace d’aller la voir pour lui dire que j’avais lu L’Homme-Jasmin et aimerais moi aussi un jour faire quelque chose avec. Elle était si heureuse que quelqu’un dans la salle ait lu ce livre et puisse faire le chemin entre le livre et son film ! elle me caressa la joue et me souhaita le meilleur pour moi.
Et voilà c’était dit à quelqu’un -et à qui !- j’avais envie de faire quelque chose avec Unica Zürn.


Le livre attendait sur une étagère, sagement.
En septembre 2006, des affiches dans mon quartier annonçaient une rétrospective des oeuvres d’Unica Zürn à La Halle Saint Pierre.
Cet événement me rappelait à l’ordre ; il était temps.
L’enthousiasme et la naïveté qui président à ce genre d’initiative m’ont envahie. Oui envahie ! Cette idée s’est faite le réceptacle de toute ma joie et de toute ma capacité de travail à la rendre possible.
J’ai invité Anne de Queiroz[1] à travailler avec moi. J’avais appris au détour d’une conversation qu’elle aimait beaucoup ce livre. Son empathie était un gage suffisant.


Nous avons commencé à travailler sur l’adaptation du texte le 23 novembre 2006.
Je voulais adapter L’Homme-Jasmin pour cinq actrices.
Cinq belles actrices que je savais dans la capacité d’une rencontre singulière avec ce texte. Quel bonheur, réunir cinq actrices sur un plateau, c’est déjà une grande joie, c’est si rare et c’était pour moi la promesse d’un bouquet de dons.
Il fallait aller vite, l’adaptation devait avancer, en même temps que les démarches pour faire une lecture pendant le temps de l’exposition à la Halle Saint Pierre.
Mes tentatives pour convaincre la conservatrice de ce musée de présenter notre spectacle en présence des oeuvres d’Unica Zürn ont été infructueuses voire annonciatrices de difficultés que j’allais rencontrer. Je n’ai pas très envie de m’étendre là-dessus. Elle ne retint pas notre proposition et décida de faire lire des extraits de L’Homme-Jasmin par deux hommes devant une table recouverte d’une nappe blanche. Ainsi donc Unica Zürn était présentée comme une pauvre folle dont la voix ne pouvait être portée que par des hommes, représentant les instances psychiatriques. La fraternité, l’empathie qui me relie à cette femme, au travers de son écriture, me donne horreur de ces visions réductrices et méprisantes.
Peu importe. Les colloques donnés à l’occasion de cette exposition m’ont permis de donner mon avis sur la dimension bien plus universelle de cette artiste. C’était une des premières fois que j’osais prendre la parole en public. J’ai ainsi pu rencontrer plusieurs aficionados de ses oeuvres et spécialistes au regard plus large et généreux[2].
Je reviendrais sur ces rencontres.


J’étais mi-septembre 2006 à Lisbonne pour jouer Le Marin de Pessoa mis en scène par Alain Ollivier avec Anne Alvaro.
À la fin d’une promenade, nous étions elle et moi assises sur un banc, sur une place, dans la douceur d’une journée d’été indien; avec une certaine gravité mêlée de timidité, je lui ai parlé de mon projet autour de L’Homme-Jasmin (je lui avais déjà offert le livre) et lui ai proposé de se joindre à nous.
Sa réponse était sans réserve : Oui.
J’en étais très heureuse, parce que nous venions de vivre des moments de travail rares, de ceux où on ne se pose pas de question de légitimité ou de justesse, de ceux où les coeurs et les âmes se déploient à la manière d’une fleur au printemps. Nous aimions travailler ensemble et nous nous comprenions. J’avais besoin de l’actrice qu’elle est et de ce qu’elle insuffle. Et c’était la promesse d’une belle rencontre pour elle avec ce texte, ça je le savais et la suite a dit le reste.


J’ai ensuite vu Ariane Gardel le 2 octobre 2006 au café MK2 quai de Seine et l’ai invitée à se joindre à notre groupe. Ariane ne jouait plus que très occasionnellement, son activité principale étant l’écriture, écriture de romans autobiographiques. Et j’avais envie d’interroger ça avec elle, ce rapport à l’écrit comme axe de vie qui est très présent dans L’Homme-Jasmin.


Voilà nous étions quatre A.A, A.G, A de Q et moi.


J’avais vu à plusieurs reprises Ulla Baugué jouer ; sa présence me bouleversait autant qu’elle m’impressionnait. Elle est allemande et vit en France : c’est une dimension importante. Elle a –à peu prés- l’âge qu’aurait Unica si elle était encore parmi nous. Ce mois-ci elle va souffler ses 85 bougies.
A de Q venait de travailler avec elle sur Médée.
Nous l’avons appelée et nous sommes allées la voir le 14 Février 2007 dans sa maison aux abords de la forêt, près du Mans ; nous lui avons parlé du texte et lui avons laissé le livre. Sa réponse n’a pas trop tardé, elle était un peu inquiétante : ce n’est pas ma tasse de thé mais par amitié pour vous, je veux bien le faire. Je me demandais pour ma part comment j’allais être à la hauteur de cette amitié dont elle proclamait la naissance !


Dernièrement, Marilu Bisciglia nous a rejoint quand A de Q ne fut plus disponible pour la suite. Son talent, son écoute et ses affinités avec ce texte lui ont permis de prendre un train en marche depuis un moment déjà et ce, avec une éblouissante évidence.

Notes

[1] Actrice, assistante metteur en scène, et germaniste, a dû quitter le projet pour un de Jean-François Sivadier.

[2] Sepp Heikisch Picard, Frédérique Duplaix, Jean-François Rabain, Claude Roffat, Ruth Henry entre autres.

Magali Montoya

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