: La vie d’Unica Zürn résumée par Ruth Henry
Unica Zürn est née à Berlin-Grunewald où elle grandit « dans la merveilleuse maison avec
l’éternelle félicité du terroir des indiens de mon enfance … » vendue par la suite. Le rêve d’un
retour devait l’accompagner tout au long de sa vie.
Après avoir travaillé comme dramaturge à la UFA (universum-film-Gesellschaft, société de
production cinématographique à Berlin) ; après un mariage d’amour et un divorce qui
l’éloignera pour toujours de ses deux enfants nés pendant la guerre, elle commence en 1949 à
écrire pour des journaux allemands et suisses. Point de reportages mais des contes
fantastiques ou drolatiques, des shorts stories, très en vogue à l’époque. Vivant seule, elle se
mêle alors à la vie de bohème berlinoise de l’après-guerre. En 1952, lors d’un vernissage, elle
rencontre Hans Bellmer de passage à Berlin. En 1953, elle le rejoint dans son logis de la rue
Mouffetard. Tout en continuant ses dessins et ses collages, initiée par Hans Bellmer, elle se
met à composer ses premiers anagrammes. En 1954, les éditions de la galerie Springer à
Berlin publient un recueil intitulé Hexentexte (textes sorcières), soit dix dessins et dix
anagrammes.
A Paris elle rencontre, grâce à Bellmer, les surréalistes et se lie notamment d’amitié avec Man
Ray, Meret Oppenheim, Patrick Walberg, André Pieyre de Mandiargues, qui préfacera plus
tard son Homme-Jasmin.
Dans le domaine de la poésie, elle voue une profonde admiration à Hans Arp. En 1959, lors
de l’Exposition internationale des surréalistes à la galerie Cordier, nous nous rencontrons, elle
et moi, sa future traductrice et l’amie qui l’ensevelira en 1970, après son suicide.
La vie du couple Bellmer-Zürn est marquée par une extrême pauvreté et les multiples
internements d’Unica en cliniques psychiatriques. Dans les moments de calme elle poursuit la
rédaction de récits plus ou moins autobiographiques commencés en allemand aux alentours de
1957. Cette période de création culmine avec deux textes écrits vers 1965 : Der Mann im
Jasmin (l’Homme-Jasmin), dont le sous-titre « eindrücke aus einer geiteskranken »
(« impressions d’une malade mentale » ) caractérise le contenu de ce livre singulier.
Le deuxième est intitulé Dunkler Frühling (sombre printemps), récit plus concis d’une grande
force littéraire ; une évocation « du vécu érotique de mon enfance », selon la formule de
l’auteur.
Ces deux textes , traduits en français peu après sa mort en 1970, lui valurent ses premiers
admirateurs. Dans son pays d’origine, en Allemagne, une édition complète de ses oeuvres a
été établie à partir de 1988.
On ne présente plus Unica Zürn… » A cette boutade d’un connaisseur, on pourrait tout autant
opposer : « Unica Zürn, connais pas… » Si son nom, en France du moins devait rester
confidentiel dans le milieu littéraire après la publication en 1971 de L’Homme-Jasmin
(considéré par Michel Leiris comme le livre le plus important de cette année-là), sa réputation
de peintre proche des surréalistes est déjà ancienne à cette époque : compagne de Hans
Bellmer, elle participe depuis les années cinquante aux expositions du groupe ; et Max Ernst
écrivit ou plutôt calligraphia pour elle l’avant-propos d’une exposition de ses dessins
automatiques à la galerie du Point Cardinal. Le poète Henri Michaux apporta à la malade
internée à Sainte-Anne des pinceaux, de l’encre de Chine et du papier à dessin pour
l’encourager à poursuivre malgré tout ses travaux artistiques.
« Malgré tout » ou plutôt « envers et contre tout ». Car ce qui rend le destin de cette femme si
exceptionnel, ce n’est pas tant sa maladie mentale, qui dura des années et l’obligea à
fréquenter les cliniques psychiatriques, que le fait qu’elle ait réussi pendant les phases
d’accalmie et de calme lucidité à rédiger un compte-rendu fascinant de ses expériences hors
du commun et à tirer ainsi une oeuvre de la déchéance croissante de son existence.
C’est une
oeuvre d’une riche ambiguïté, sortie du plus profond d’elle-même ou de ses hallucinations.
Sans trace apparente d’un travail littéraire, elle semble néanmoins marquée par un style bien
particulier.
« La littérature semble y servir autant le délire que le délire la littérature », au point qu’une
écriture a pu naître, qui se passe de tout commentaire psychologique ou affectif. « Les images
doivent parler d’elles-mêmes », telle est la devise d’Unica Zürn, choisie sans dogmatisme
mais avec la certitude d’une somnambule.
Dans les huit dernières années de sa vie elle fut hospitalisée (souvent internée) à l’Hôpital
Wittenau de Berlin, et encore plus souvent à Paris : Sainte Anne, Maison Blanche, La
Rochelle, clinique de La Chesnaie. Une permission de sortie de cinq jours lui est autorisée le
19 octobre 1970 pour réorganiser sa vie. Après une journée sans incident passée auprès de
Hans Bellmer, Unica Zürn se jette par la fenêtre de l’appartement.
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