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Annabella (Dommage que ce soit une putain)

mise en scène Frédéric Jessua

: Notes d’intention

Après le règne d’Elisabeth 1re – 1606 et la mort de Shakespeare – 1616, le théâtre élisabéthain (que l’on nomme jacobéen sous le règne de Jacques 1er) se radicalise : là où Shakespeare avait ému le public avec une histoire d’amour impossible, universelle, Roméo et Juliette, John Ford, livre en 1633, une histoire d’amour très particulière entre un frère et une soeur, jumeaux.


Vincent Thépaut et moi proposons une nouvelle traduction afin de mettre en valeur l’énergie folle des personnages et de porter les acteurs vers une forte incarnation… L’écriture doit témoigner de l’instabilité qui est au principe de la pièce : rien n’est jamais acquis, la pureté et la noblesse sont presque totalement absentes, chaque personnage pouvant à tout moment, sur une impulsion, bouleverser l’ordre établi. Je ne peux envisager cette mise en scène sans me plonger dans la langue scénique originale de John Ford. Les situations proposées, les effets scéniques sont au service de la représentation : en proposant une nouvelle traduction nous désirons restituer au mieux la langue brute et crue de la pièce originale, tout en nous laissant la liberté de la faire évoluer, comme le travail de plateau peut l’imposer…


Dans Annabella (Dommage que ce soit une putain), plusieurs intrigues s’enchevêtrent : les amours de Giovanni et Annabella constituent la principale, mais le destin d’un mari évincé, Richardetto, celui d’une amante délaissée, Hippolita, d’un rival ridiculisé, trouvent leur convergence dans l’idée de vengeance. Toutefois, et c’est la force de la pièce, ce qui est amoral se révèle avoir sa propre morale et tout ce que l’on fait pour se plier à la morale peut devenir immoral.


J’aime à me rappeler que l’oeuvre est anglaise, qu’elle est l’émanation d’un peuple insulaire qui à sa Renaissance s’est, de manière presque désinvolte, affranchi du théâtre antique en proposant un univers linguistique, thématique, et original. Plus proche de nous, ce phénomène n’est pas sans me rappeler la folie créatrice britannique de la fin du xxe siècle (tant au niveau du théâtre, de la musique, de l’image et de la mode) : un mouvement entamé dans les années 60 mais dont on trouve des prolongements jusqu’au début des années 90 ; il s’inscrit dans une période politiquement et socialement mouvementée, souvent grave et violente. L’univers visuel et musical sur lequel nous travaillons s’inspire de ces tendances.
Les thématiques en jeu – l’aveuglement de la famille, la mise en défaut de la religion face au passage à l’acte, la toute-puissance de la femme dans la relation amoureuse – permettent à la pièce de traverser les âges, et j’ai voulu faire la part belle à la jeunesse en choississant de m’entourer d’acteurs et de collaborateurs en devenir.


Frédéric Jessua




Dans cette Parme, le beau est laid, la justice est injuste, les serments sont mensonges, les amoureux sont égoïstes, les idiots disent la vérité, le crime est réjouissant, le meurtre est érotique et la beauté est une malédiction. On est tenté d’y percevoir un drame joué par une jeunesse qui rejette les apports d’une société corrompue, et qui s’autorise tous les outrages au point de prétendre considérer l’enfer comme l’égal du ciel.
Mais Ford va plus loin que cette rébellion en poétisant la recherche du paradis terrestre de Giovanni et Annabella, amoureux d’eux-mêmes mais surtout amoureux d’une aventure qu’ils n’auraient pas la force de mener seuls : le piège mortel que se construisent les amants est leur plus belle façon de s’échapper.


Vincent Thépaut

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