C’est sans le savoir, que nous avions basculé dans cette logique insulaire. Une carte du Grand Nord québécois qui nous mit une réalité sous les yeux : au sein des îles Belcher, dans la baie d’Hudson, l’existence de l’île TUKARAK.
Depuis la création de la compagnie, tous nos spectacles détaillent, imaginent et déclinent les microcosmes, des entités, des peuples, des autarcies.
Le désir de tracer, d’inventer les contours d’une île Turak devint donc évident. L’envie d’étudier, de cerner, d’approcher, d’éprouver le “syndrome insulaire” nous fit bâtir un projet de résidences sur des îles réelles ou imaginaires.

Mener, construire ce travail au fil de plusieurs années pour commencer à tisser, à rencontrer, à s’implanter. Non pas ici ou là, mais ici et là. Des travaux en résidence qui permettent de s’incruster, de s’accrocher à ces rochers. D’y passer du temps avec les habitants. De pouvoir donner des nouvelles d’une île à l’autre.
Comment, de cette île TUKARAK réelle, ou TURAK imaginée, tendre un fil qui passerait par Bali, l’Islande, Houat et Ouessant, les îles suédoises, la Martinique, la Réunion… et sur ce fil tendu, faire glisser des pages de carnet à spirales. Pas des carnets de voyage, de passage. Mais des carnets de station, des carnets de rester, d’habiter. Des carnets de résidences. Donner des nouvelles d’une île à l’autre.
Écrire, composer de petits spectacles courts en résidence et les faire voyager d’une île à l’autre. Donner des nouvelles et recomposer un archipel improbable.

Sans le savoir, cette approche des univers insulaires m’entraîne dans une tentative de cartographie de l’intime. J’essaie de comprendre, de dire, de dessiner. Plus que la réalité du rocher, du morceau de terre au milieu de la mer, je suis touché, ému par les situations humaines. L’agencement des espaces humains, les balises des espaces de vie, les constructions.

Michel Laubu