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A notre insu

+ d'infos sur le texte de Michel Laubu
mise en scène Michel Laubu

: Entretien avec Michel Laubu

Propos recueillis par Cathy Bouvard

Pouvez-vous nous raconter ce que vous savez d’A notre insu ?


Michel Laubu : Au-delà du travail habituel, celui de réunir des objets, des dessins, comme lorsqu’on fait de l’archéologie, le travail plus spécifique lié à cette pièce est en cours. C’est une enquête policière et l’on travaille comme si l’on menait l’enquête : on a des pièces à conviction, des présomptions d’innocence... C‘est le prolongement de l’aventure autobiographique d’“Intimae” où je parle d’une île en Moselle, à force de travailler là-dessus j’apprends à aimer cet endroit là. Le point de départ est une fiction, une île rebaptisée “l’île aux poignardés” parce qu’un jour les gens sont retrouvés couchés au sol avec un couteau de cuisine ordinaire dans le dos. On sait que personne n’a quitté l’île, ils sont donc tous à la fois victimes et suspects. C’est un peu la population de la Moselle, au moment où on a fermé tous les puits de mine : une population poignardée. Tout à coup des couteaux sont tombés du ciel et les ont cloués sur place. Souvent je travaille de manière assez naïve, je construis et je comprends les choses dans un deuxième temps. Là, j’ai réalisé assez vite ce dont je voulais parler. Avec le développement industriel, mes grands-parents maternels sont venus d’ex-Yougoslavie dans des conditions terribles pour travailler dans les mines de charbon. Et puis on a fermé les puits de mine et on les a laissés. Plus besoin d’eux, on les a abandonnés. Je crois qu’inconsciemment, j’avais envie de parler de ça.


Comment se construit l’intrigue policière ?


ML : Sur cette île il y a quatre maisons et je me suis inspiré des voisins des quatre maisons autour de celle de mes parents. Sur le principe de l’enquête policière, on va faire une reconstitution de ce qui s’est passé dix minutes avant le crime pour chercher une piste mais on ne va en trouver que des fausses. Les personnages manipulent sans arrêt des couteaux de cuisine mais le danger est ailleurs, ils ne le sentent pas venir. On va faire quatre fois la reconstitution, les dix mêmes minutes vues dans chaque maison.


C’est la première fois que vous vous confrontez à la narrativité, n’est-ce pas ?


ML : Oui et ça permet de rester sans texte, pour moi c’est un exercice. Comment raconter, donner les signes. J’aime bien ce côté elliptique, puzzle. Il y a un côté amusant de la reconstitution parce qu’on travaille avec des marionnettes. Finalement tous nos spectacles sont des reconstitutions. S’amuser à décaler, mettre en mouvement, regarder comment s’écrit l’image. Dans le théâtre d’objet, on travaille sur le hors cadre du récit : le spectateur voit ce qui permet de raconter et cela raconte d’autres choses. On fait les nuages mais les nuages se fabriquent avec un bout de coton. Le bout de coton tient avec une vieille pince multiprise et la poésie même naît de ça : du coton et de la pince. C’est pour cela je crois que le théâtre d’objet m’intéresse : écrire avec le hors cadre, montrer les outils.


Et côté musique ?


ML : C’est Rodolphe Burger qui a écrit la musique. C’est un opéra noir, comme roman noir mais aussi comme gueule noire. La dramaturgie est complètement liée à la partition et ce n’est pas une musique écrite sur un spectacle, la musique le précède. C’est aux acteurs d’essayer de rentrer là-dedans, on va fouiller et utiliser cette musique comme pièce à conviction. Rodolphe a écrit quatre morceaux de dix minutes pour les quatre reconstitutions. Physiquement, il ne peut pas être sur le plateau durant les représentations, on a donc imaginé une bande son avec deux musiciens qui jouent en direct, en dialogue avec celle-ci. Quatre bandes sont les ambiances de chaque maisonnée. Il a posé quatre événements sonores qui arrivent exactement au même moment sur chaque morceau. Les comédiens devront travailler avec cette contrainte.


Cela fait beaucoup de contraintes de jeu ?


ML : Oui, des contraintes... et des zones d’ombre mais elles sont très définies. D’habitude tout s’écrivait avec les comédiens sur le plateau, au premier jour des répétitions tout était encore possible... Ce cadre fixe, c’est une nouvelle manière d’écrire et de répéter.

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