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Yakich et Poupatchée

+ d'infos sur le texte de Hanokh Levin traduit par Laurence Sendrowicz
mise en scène Frédéric Polier

: Mettre en scène Hanokh Levin

Il y a de nombreuses façons d'aborder l'oeuvre de Hanokh Levin. Son écriture est si riche et si diverse que chaque fois que l'on ouvre une porte, c'est pour tomber sur une multitude d'autres portes qui, une fois ouvertes, nous révèlent une multitude d'autres portes et ainsi de suite...
En effet, rares sont ceux qui ont su, mieux que lui, poser les jalons de ce qui va venir nous embarquer dans leur logique dès les premières répliques, nous jeter sans amortisseurs dans un monde où, sans aucun doute possible, vont être bousculées toutes les règles de la bienséance, physique et morale. Dès les premiers mots, aucune échappatoire possible, aucune complaisance.


Levin a un tel respect pour l'être humain en général et pour son public en particulier, qu'il ne gâchera jamais du temps scénique - si précieux - en broutilles. Il va donc tout de suite à l'essentiel: le plateau n'est-il pas l'endroit privilégié où l'Homme peut dire tout haut ce que les hommes pensent tout bas ? Oui, bien sûr.


Mais il y a une autre chose encore, induite par le fait que Levin ne se contente pas de cette conscience, il va plus loin et je ne connais pas d'autre auteur qui ait été si loin: il ose dire tout haut ce que nous n'osons pas nous avouer penser tout bas... Ames sensibles s'abstenir...
En cela, les premières répliques sont magistrales. Que ce soit dans ses comédies ou plus tard, lorsqu'il ouvre la focale et construit des oeuvres monumentales, une vérité nous prend à la gorge: dans cette vie, ce sera toujours l'impasse la plus totale.


Les exemples sont multiples, Yona, dans Une Laborieuse Entreprise: "Je suis un homme fini", de Kroum l'Ectoplasme: “Maman, je n'ai pas réussi. Je n'ai trouvé ni la fortune ni le bonheur à l'étranger”.
Dès la première page, tous ces héros annoncent la couleur, ils avancent avec, en bandoulière, le constat - d'une implacable lucidité - de ce qu'ils sont (rien) et de ce qui les attend (rien).


Eh oui, les héros léviniens sont exactement comme nous: ils ont tout compris, il leur manque la recette pour en faire quelque chose. Si bien qu'ils vont perdre du temps en vaines tentatives, jusqu'au coup de grâce où Levin sacrifie ceux qu'il a mis en lumière, il les abandonne sur scène, privés de tout: quand ce n'est pas de la vie, ce sont de leurs illusions, parfois des deux. Au dernier acte, Yona se relève de la mort pour dire : “Avant, je pissais fort et loin! maintenant ça dégouline sur mes chaussures ! Je me suis vraiment mal débrouillé” Job sur son pal hurle de douleur et comprend trop tard que Dieu n'existe pas..

Frédéric Polier

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