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Vous qui habitez le temps

+ d'infos sur le texte de Valère Novarina
mise en scène Nasser Talaoubrid

: Notes du metteur en scène

Par Nasser Talaoubrid

Se confronter aux textes de Novarina, c’est avant tout aller au coeur du langage. Le chemin que j’ai voulu emprunter avec les acteurs était forcément instable et pour le moins déroutant. Comment trouver un pilier assez solide pour que la tentation du sens ne vienne pas empêcher le véritable saut dans le vide, au solstice, là où tout a lieu ?


Je me suis donc lancé à la recherche de cette petite musique vocale propre à chacun avec un véritable impératif : celui de partir de l’acteur avant tout. Tel le chef d’orchestre, je me suis heurté, comme eux, aux difficultés du texte. J’étais finalement celui qui met en partition et qui dit non. Non au sens, à la narration, à l’interprétation et, surtout, non à la gratuité. Là où nous devons nous rendre, tout est en musique. Il nous a fallu penser en terme de flux, de couleurs, de sonorités, de souffle. Valère Novarina écrit par les oreilles : nous avons donc développé notre mémoire auditive et cherché le souffle sacré, pur et continuel qui donne vie aux choses et aux objets.


La musique est celle de l’acteur qui “appelle afin que les choses soient” (comme le dit Novarina), afin que l’espace s’ouvre et que, sur la scène du théâtre mental, la représentation ait lieu : ”Appelons-nous les choses pour qu’elles viennent ? Appelons-nous les choses pour qu’elles soient ? “ dira L’HOMME AUX AS.


Car la question centrale est bien celle de l’acteur appelant. Il lui faut aller frapper et ouvrir le mot afin d’en extraire la matière. C’est un travail épuisant, jusqu’à ce qu’ait lieu la naissance du mouvement sous l’impulsion du langage. Autrement dit : ce n’est pas le geste qui précède le mot, mais bien l’inverse. Je souhaitais trouver chez l’acteur cette énergie capable d’ébranler le corps.


“La vie est la farce à mener par tous”, écrit Rimbaud. L’univers de Novarina est clownesque. Un univers que je voulais emplir de couleurs vives, avec des costumes en décalage et pour le moins inattendus, surprenants, en rupture avec nos habitudes vestimentaires. Par exemple, une actrice est vêtue d’une combinaison de plongée bleu marine, une autre d’un tutu rose agrémenté d’un gilet de sauvetage orange.


Plus j’avançais dans le travail, plus l’évidence du plateau nu se faisait sentir, avec pour unique trace sur le sol, un cercle (ou anneau) de 6 m de diamètre comme expression du vide et du plein, de l’extérieur et de l’intérieur, du dehors et du dedans. Le cercle est finalement ce qui circonscrit, mais que se passe-t-il au-delà de cela ? Pour répondre à cette question, j’ai demandé aux acteurs de ne pas y porter attention, afin qu’au hasard de leurs déplacements et de leurs mouvements, le rapport à l’anneau soit le plus juste possible et puisse s’exprimer de lui-même.


Enfin, j’étais attaché à une ambiance musicale légère et joyeuse comme dans les bals musette où l’accordéon a toute sa place. L’accordéon est un instrument à vent qui ne se prend jamais vraiment au sérieux. Refrains niais et rythmes idiots ont été recherchés pour leur accord avec les discordances du texte dont l’acteur, s’étant mis à jouer d’oreille, fait surgir les résonances dans un véritable état de grâce.


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Nasser Talaoubrid_

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