: Note de mise en scène
Miracle (en Alabama) révèle à nos contemporains l’existence des personnes sourdes et aveugles, et soulève plusieurs problématiques sur l’éducation. Les questions du langage et de la perception ont été essentielles dans l’élaboration de ce projet, est le sont encore quant au désir de communication.
UN SUJET CONTEMPORAIN
L’acquisition de la langue et son apprentissage passe
irréfutablement par l’éducation, transmis soit par notre
entourage, soit par nos institutions. En présence
d’un enfant dit « handicapé », les familles se confrontent
à une impossibilité de communication. L’handicap
opère par ailleurs un certain déplacement : dans
ce face à face, il n’est plus chez celui qui le porte, mais
chez celui qui est contraint - ne serait-ce pas moi qui
finalement est dans l’impossibilité de communiquer
avec l’autre ?
Le manque d’information et le barrage de la langue
plongent les familles dans de grandes difficultés, dont
le désespoir est une des facettes révélatrices d’un malaise
social et culturel. Par ailleurs, l’isolement de
personnes handicapées, le plus souvent touchées par
l’illettrisme, est un fait encore mal connu de nos jours.
Ces problématiques, j’ai pu les observé, et les observe
encore, notamment dans le monde des sourds.
LA RENCONTRE
Cette expérience théâtrale, j’ai choisi de la mener
aux côtés d’une comédienne sourde pour incarner
le rôle principal. Construire avec elle ce personnage
si étranger à nous-mêmes a permis d’explorer plus
intensément notre rapport au langage. Ce parti-pris
de mise en scène répond également d’une ambition,
celle d’aller jusqu’au bout des personnages, en faisant
se rencontrer sur le plateau des comédiens sourds et
entendants.
Travailler avec une comédienne sourde, qui n’entend
pas le texte joué par les autres acteurs et qui
doit interpréter un personnage sourd et aveugle, a
demandé d’imaginer une autre manière de travailler,
de composer.
Pour relever ce défi, nous avons entrepris un dépouillement
du texte afin de révéler sa dimension physique.
La présence des didascalies descriptives de l’auteur,
mettant en acte la parole physique d’Helen et d’Annie,
témoigne d’une division dans écriture, entre texte
et transcriptions.
Marguerite Duras écrit à ce sujet :
« Le mutisme régnant entre Annie Sullivan et Helen
Keller domine donc toute la pièce. Et tout langage, à
côté de ce silence, par exemple les commentaires de
la famille Keller, ne sont là que pour meubler d’une
façon secondaire l’arène où se joue la véritable lutte
décrite par William Gibson » [1].
DIMENSION CHOREGRAPHIQUE
De ces deux espaces, nous avons créé un lieu de rencontre entre les corps. Les caractères des personnages et leurs relations ont fait l’objet d’une étude de jeu sous contraintes, celle d’interpréter et d’exister dans l’espace vide sans recourir à la parole. L’intensité des verbes d’actions et les relations misent en mouvement ont défini une grammaire de jeu, empruntant à la chorégraphie son langage et ses lignes de parcours. Source de créativité, les répétitions sous contraintes ont créé les nouveaux repères d’un langage commun.
L’ENJEU DE LA PAROLE
La présente expérience revendique le désir de trouver un autre langage, une autre forme d’interaction de jeu entre les acteurs. Cet enjeu a permis de nous enrichir de nos propres difficultés de communication avec l’autre, sourd ou entendant. Nous découvrons alors d’autres espaces de communication jusqu’alors endormis, en prenant conscience de la performativité du langage du corps. Notre laboratoire a ainsi permis d’interpréter plus justement la problématique du langage, en nous attachant particulièrement à la nature expressive des personnages.
Notes
[1] Extrait de L’Avant-Scène n°279, 1963
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