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Têtes rondes et têtes pointues

mise en scène Christophe Rauck

: Note de traduction

Les principes généraux qui déterminent notre approche d’un texte sont toujours les mêmes, qu’il s’agisse de Kleist, de Brecht ou d’un contemporain :


Une lecture très attentive de la pièce est nécessaire au départ pour en saisir les enjeux et les significations. Traduire implique qu’il faut faire des choix – des choix de vocabulaire, de niveau de langue, de syntaxe. Même si une partie de ces choix est difficile à expliquer (chacun de nous a des « tics » de langage et on ne sait pas dire pourquoi on préfère un mot à un autre), il est vrai qu’il vaut mieux en faire d’autres « en connaissance de cause », c'est-à-dire, en correspondance avec la compréhension générale qu’on a de l’oeuvre. Ainsi, il nous paraît par exemple important que les reprises de mots, les répétitions d’expressions dans la langue d’origine soient rendues en français également par des reprises ou des répétitions. Cela est parfois difficile parce que les champs sémantiques ne se recoupent pas exactement, mais justement, il est d’autant plus important de chercher le mot qui rendra une telle répétition possible, dans les différentes occurrences.
Ensuite, un autre aspect très important dans la traduction théâtrale est son aspect oral.
Le texte n’est pas là pour être lu, mais pour être dit et entendu. Cela exclut par exemple les notes de bas de page. Et cela rend nécessaire une attention particulière au rythme et à la nécessité de pouvoir bien « dire » le texte dans l’enchaînement des sons, en évitant également tous les malentendus possibles.
Nous passons donc toujours par un ou plusieurs stades de lecture à haute voix du texte.


En ce qui concerne plus particulièrement Têtes rondes et Têtes pointues de Brecht, il y a eu plusieurs points difficiles et intéressants à résoudre et qui illustrent les principes généraux que je viens d’énoncer.


Dans la forme, il y a le prologue, en vers rimés, et des chansons. Nous avons pensé qu’il était important de retrouver des rimes en français (par opposition au texte en prose qui suit), et des textes concis et précis pour les chansons.


Il y a également tout le champ sémantique des « Pachtherr/ Pächter/ Pacht/ Pachtzins » pour lequel nous avons eu du mal à trouver une correspondance aussi logique en français. Finalement le « métayage » nous a semblé un concept qui, même s’il ne correspond pas exactement précisément à l’allemand, permet tout de même à un français de comprendre quels sont les rapports de force en jeu. « Métayer » allait donc bien, mais il n’existe pas de terme de la même racine pour parler de celui à qui on paie le métayage et qui est le propriétaire terrien. Dans le souci d’éviter des formules trop longues, nous avons opté pour « fermier », parfois avec l’adjonction de « maître », en nous disant qu’on connaît encore en France le terme de « fermier général » dont on sait bien qu’il n’était pas paysan… Mais nous sommes conscients que ce n’est pas une solution « idéale » - et que celle-ci n’existe pas.


Il y a aussi dans la pièce les « Huas » (qui se prononcent « Houas », en accentuant le « ou »). Le mot est expliqué dans une réplique : c’est une abréviation pour « Hutabschläger » - ceux qui font tomber les chapeaux. Comme il est important que la relation entre l’action de ces personnages et leur nom soit explicite, nous avons imaginé un autre nom en français : les « Tchaps » = « Tombeurs de chapeaux ». Cela nous a paru à la fois porteur de sens et de rythme. Le son français est plus sec que celui de l’allemand, il accentue le côté militaire, au détriment de la sauvagerie. Mais au regard du rôle que jouent ces personnages dans la pièce, cela n’est pas faux non plus…


Ce ne sont que quelques exemples et parler de la traduction nous ouvrirait des horizons très vastes. Mais j’espère que ces quelques lignes font un peu sentir les enjeux d’une traduction – du point de vue théorique et pratique.

Ruth Orthmann

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