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Quatre avec le mort

+ d'infos sur le texte de François Bon
mise en scène Jean-Michel Rivinoff

: La pièce

Quatre avec le mort est une pièce forte, puissante où les êtres ne s’épargnent rien. Ils se griffent mais sans se déchirer : « Il me servait lui aussi son paquet / Très tendrement crois moi ». Ils se cherchent dans la réaction de l’autre car ce qui les relie est intimement profond : « De ce qui se passe là au fond de toi qu’est que tu dis qu’est ce que tu donnes ». On les imagine en fin de nuit où le corps se relâche, il ne fait plus armure pour protéger ce qu’il y a dedans : « Comme la peau qu’on vous enlève vos regards sur moi ». Ils se cognent au mort qui lui n’y peut plus rien. Déjà si loin mais encore tellement présent dans la pièce à côté, dans l’air, dans les têtes et dans les veines. Et, lui, le mort, là dans sa boîte en bois, aura encore quelque chose à leur apprendre : « Les morts nous apprennent le désir justement parce que c’est l’absolu dont on les prive ».
Dans cette intense fragilité, ces trois-là nous ressemblent. Ils nous aident à regarder en nous et hors de nous précisément au même instant. François Bon sait mieux que quiconque nous offrir le frottement du réel avec les mondes intérieurs qui nous habitent. Il se joue de toutes les apparences : celles du théâtre, celles de la langue, celles du temps, celles des présences jusqu’à son paroxysme, le mort est vraiment là sans y être (ni fantôme, ni cadavre). L’auteur soude les mots entre eux pour dégager des forces, des énergies, des ondulations. Dans son théâtre, ne compte que le réel de la machine théâtrale (et c’est bien cela qui nous intéresse ici) : un plateau, des acteurs, des perches, des coulisses, les murs et un texte qui craque comme un parquet ou du sable sous la dent. Cette pièce nous ouvre les portes de la tragédie moderne avec toute la tension qui lui est nécessaire sans pour autant nous accabler d’horreur. Et comme une mécanique placée en haut du manche d’un instrument à corde, l’humour, subtilement, accorde cette tension au plus juste : « Je ris encore/ça m’arrive ». Le temps de l’explication est un temps pour continuer à vivre : « S’expliquer grosse bête fait du bien on voit ensuite plus clair ».


« Avec Racine en exergue, l'écrivain a recréé la langue de la tragédie classique sans en faire une imitation : le vers est libre mais les voix ici sont théâtralisées dans la syntaxe même. Dans le huis clos mortuaire, les trois personnages tombent les masques et sortent les griffes : jalousies, reproches détissent les liens de la famille, du mariage et de l'amitié et finissent par atteindre à la nudité de l'humain, celle dans laquelle finalement les morts s'endorment. Pièce sur le sens de l'existence, Quatre avec le mort atteint la dimension des écrits des grands moralistes. Au final, toutefois chacun reprendra la place qu'il convient d'occuper dans le monde : restera alors pour le lecteur une musique sacrée en forme de requiem pour un dieu mort. Ne nous y trompons pas : ce dieu n'est pas le père défunt, mais la divinité que chaque enfant porte en lui et assassine pour grandir. Hirta, née après une sœur morte à six semaines, Dun, qui s'était enfui du domicile familial et Boreray qui, en choisissant de partir avec Dun a trahi sa meilleure amie, veillent finalement leur propre mort. Et nous avec eux. »
Thierry Guichard. Article publié dans la revue littéraire « Le matricule des anges » N°38 (Mars Mai 2002)

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