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Noises

+ d'infos sur le texte de Enzo Cormann
mise en scène Colette Régibeau

: Le mot de la metteure en scène

Le diktat du désir


Il n’y a pas si longtemps, artistes, intellectuels et philosophes affirmaient la subversion du désir. D’autres avaient voulu s’en débarrasser, l’éteindre. D’autres encore d’expliquer le monde par le principe unique de la jouissance.


Mais finalement l’idéologie capitaliste a opéré sa révolution tranquille et le Capital est devenu le maquereau universel.


Adieu la religion, « opium du peuple », adieu la production comme sphère de l’aliénation ! L’accumulation des marchandises, la prolifération des signes, l’invasion des images a substitué au réel un univers de la représentation omniprésente.


La machine capitaliste et publicitaire prescrit au sujet ce qu’il doit désirer et – contrôlant son désir – fonde sa passivité et son aliénation. Et le consommateur ne désire même pas ce qu’il consomme : il est gouverné par le désir du désir.


Diktat du désir. Impératif de jouissance tous azimuts. Emprise du regard. Obligation d’être désirable. Et nous voilà dans une quête obsédante d’amélioration sans fin de notre image. Le corps normé – nouveau capital – doit être jeune, sain, ferme, hâlé, équilibré, fonctionnel, performant. La jouissance doit être immédiate et compétitive. Le gros, la moche, le laid doivent disparaître aux regards ; être vieux devient la nouvelle obscénité.


  • « Noises, finalement, n'exprime rien d'autre que la faillite de l'amour en conserves et du sexe immédiat : Enzo Cormann met le doigt sur ce qui manque cruellement à l'amour dans notre société contemporaine. En nous montrant une impasse (celle où mène la pornographie), Cormann nous invite à réfléchir à d'autres itinéraires: ceux qui empruntent la voie du désir vrai. » (Dominique Colin)

Quand le corps se délite…


Dans l’univers de Noises, des êtres s’entrechoquent parce qu’ils ne « se savent » plus. Pourquoi être deux ? Le désir est toujours ailleurs. Un objet en éclipse un autre. « Quand tu me regardes, je suis laide », dit Maud : le partenaire ne voit plus le visage, mais un écran vide sur lequel il projette un défilé incessant d’images. « Je suis laide » parce que je n’existe pas, je n’existe pas parce que « je suis laide »


Quarante ans. LE tournant de la vie. On a tout vu, tout vécu. On a tout épuisé. C’est le moment des remises en question ou de la cécité protectrice. Mais on se heurte au désir qui se délite. Au corps qui se dérobe.


  • « C’est de tout voir s’effilocher qui fait que l’on parle, que l’on boit, qu’on trompe l’autre aussi. » (Maud, Noises)

Si le corps – repère identitaire central – fout le camp alors tout fout le camp ! Et c’est la fuite en avant. L’épuisement du désir dans des objets interchangeables sans cesse renouvelés. Pour ne pas faire face : « Est-ce que la mort a un sexe ? » interroge Nelly.


Noises ou le bruit de fond permanent d’une société où l’image est à la fois copie et modèle.
Noises ou le grésillement parasite imperturbable d’une société qui s’étourdit pour ne pas devoir affronter le vertige du vide, le trou noir de la marchandisation des corps et des esprits.


  • « Je vois d’ici l’idée que vous vous faites de l’amour. De la solitude en conserve. » (Nelly, Noises)

Colette Régibeau

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