En 2007, je suis à Salvador, au Brésil, lauréat de la « Villa Médicis Hors les Murs », je vote donc par procuration.
En mars 2007, j’avais quitté la France de Jacques Chirac ; en juin, je suis revenu dans une nouvelle France, celle de Nicolas Sarkozy.
Un dimanche en France, après mon retour, dans un marché aux livres, je trouve « La paille et le grain – chronique » de François Mitterrand. J’ai toujours eu une attirance pour les écrits intimes des personnages publics, la rencontre du privé et du politique.
Avec ce livre, je fais un voyage à rebours ; j’avais dix-sept ans en 81, il me manquait une année pour pouvoir voter, j’ai assisté au changement et au renouveau de la France qui s’est opéré à cette date. J’ai grandi dans cet espoir-là et dans ce mouvement.
Si aujourd’hui, en 2009, je reviens sur les entretiens entre Marguerite Duras et François Mitterrand, c’est aussi faire une chambre d’écho avec la France d’aujourd’hui, le politique, ou son spectacle.

J’ai choisi pour visiter ces deux figures du XXème siècle, non pas un duo d’acteurs car l’incarnation ne m’intéressait pas. J’avais envie de frictions, de mises en écho et c’est pour cette raison que pour le personnage de Marguerite Duras, j’ai choisi une grande dame du théâtre français, Marief Guittier, compagnonne de Michel Raskine et de Gildas Bourdet, et pour lire le personnage de François Mitterrand, Patrice Béghain, ancien adjoint à la Culture de la Ville de Lyon sous Gérard Collomb, ancien directeur de la FEMIS et de la DRAC Rhône-Alpes, et ancien conseiller de Catherine Tasca, ministre de la Culture sous le gouvernement de Lionel Jospin.

Le texte sera lu et dit, entre lecture et jeu – comment s’effectue sur scène la rencontre entre une comédienne et un homme politique à la retraite ? c’est dans cette zone, dans cette distance que je veux situer l’amitié qui liait Marguerite et François.

Les traces audio des entretiens nous donnent des clefs sur ces instants privilégiés, mis en scène, soit à L’Élysée soit dans l’appartement de l’écrivain, à Paris.

5 écrans plasma côte à côte au dessus des acteurs restitueront en direct des plans serrés de chacun d’eux ; ils offriront aussi des échappées pour conserver un rythme de rencontres et d’entretiens.

Pour la dramaturgie et le montage des textes, je travaille avec Stéphane Patrice. Il enseigne l’histoire et la philosophie du théâtre à l’Université d’Evry-Val-d’Essonne. Il est l’auteur de Marguerite Duras et l’histoire. (PUF, Paris, 2003, Préface de Laure Adler)

Comme toujours dans mon travail au théâtre, les écritures non dramatiques constituent une matière formidable à inventer ; ici, il s’agit d’un dialogue, d’un duo, d’un combat d’idées mais aussi d’une extraordinaire machine (à deux) à penser.
Avec le plasticien et scénographe Pierre David et le vidéaste Vincent Boujon, nous rendrons compte non du réalisme des entretiens mais de ce moment d’intimité construit pour l’Histoire.

Gilles Pastor, metteur en scène