: Marguerite et François
Par Stéphane Patrice (1)
Les années 1980 ont constitué pour Duras et pour Mitterrand une consécration :
la reconnaissance et le couronnement d’existences dédiées à la vie de la cité où se mêlent,
se croisent et se tissent la politique et la littérature.
Un homme de culture, un homme cultivé, un grand lecteur qui aime les livres et leurs auteurs
(Réné Char, Emil Cioran, Carlos Fuentes, Gabriel Garcia Marquez, Jean Genet, Ernst
Jünger, Octavio Paz, Françoise Sagan, Michel Tournier…) est élu président de la
République française en 1981.
Une femme de lettres engagée en politique, et dont l’oeuvre irréductible à l’amour romantique
ausculte la grande histoire et confronte l’intime et l’imaginaire de ses romans, de son théâtre
et de son cinéma aux événements effroyables du XXe siècle, obtient le prix Goncourt avec
L’Amant, en 1984.
Un an plus tard paraît La Douleur, récit de l’attente du retour de Robert Antelme des camps
de Buchenwald et de Dachau. « La Douleur est une des choses les plus importantes de ma
vie », dit Marguerite Duras. La Douleur, ce récit, devait initialement s’intituler « La Guerre ».
Pendant la seconde guerre mondiale, Robert Antelme et Marguerite Duras faisaient partie du
même groupe de Résistance que François Mitterrand.
François Mitterrand était présent au moment de l’arrestation de Robert Antelme. Et c’est
François Mitterrand qui le retrouvera à Dachau et le fera regagner Paris. Robert Antelme
publiera en 1947 un récit de son expérience des camps de la mort : L’Espèce humaine.
En 1986, moment où le septennat fit l’expérience de la première cohabitation avec Jacques
Chirac qui remplaça Laurent Fabius à Matignon, la romancière et le président ont fait
paraître des entretiens dans L’Autre journal. Ces entretiens sont disponibles, publiés par les
Editions Gallimard sous le titre Le Bureau de poste de la rue Dupin. Le bureau de poste de la
rue Dupin est le lieu où fut arrêté, avant d’être déporté, Robert Antelme.
Un homme et une femme s’entretiennent de leur souvenir de guerre et de résistance, parlent
de politique et embrassent le monde, évoquant l’Amérique et l’Afrique, effleurant l'Asie. Une
romancière échange sa vision du monde avec son ami président. Leur parole est d’amitié,
affectueuse, grave, généreuse, radicale et, à l’occasion, drôle.
Le metteur en scène Gilles Pastor a souhaité rendre hommage à cette amitié d’exception, et
adapter pour la scène ces conversations. Une artiste et un politique incarnent Marguerite et
François : Marief Guittier et Patrice Béghain, prêtant leur corps et leur voix à ce texte
recomposé pour la scène.
Marguerite Duras et François Mitterrand encadrent le XXe siècle : deux années séparent leur
naissance au début de la première guerre mondiale (1914 pour Duras ; 1916 pour
Mitterrand), la mort les emporta la même année 1996, à deux mois d’intervalle.
Les mots de Marguerite et François parlent de leur histoire qui est également la nôtre, ils parlent aussi de notre actualité, de la France aujourd’hui, des rires et des larmes du monde.
- Auteur de Marguerite Duras et l’histoire (Paris, PUF, 2003), Koltès subversif (Descartes & Cie, Paris, 2008), « Othello aujourd’hui » in William Shakespeare, Othello (Descartes & Cie, Paris, 2008), Stéphane Patrice enseigne l’histoire et la philosophie du théâtre à l’Université d’Evry Val d’Essonne.
Stéphane Patrice
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