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Les relations de Claire

+ d'infos sur le texte de Dea Loher traduit par Laurent Muhleisen
mise en scène Michel Raskine

: D’étranges et inquiétants cauchemars satiriques

Rédactrice de modes d’emploi pour une entreprise d’électro-ménager, Claire est licenciée pour avoir encouragé les consommateurs à l’insoumission.
Désormais chômeuse, elle essaie en vain d’obtenir un prêt auprès de son beau-frère banquier et apprend que son fiancé la trompe avec une prof de biologie en pré-retraite... Commence alors pour Claire l’ordinaire descente aux enfers qui la confronte, d’épreuve en épreuve, à toutes les formes de précarité auxquelles les sociétés libérales exposent aujourd’hui les êtres fragiles et rebelles :
précarité sociale, matérielle et financière, mais aussi affective et sentimentale. Il est difficile, presque impossible, semble indiquer l’auteur, de construire et d’entretenir des “relations sincères” et durables avec ses semblables dans un monde où tout ce qui est humain désormais s’achète, se loue et se vend : le sang, les organes, les corps, la santé, la mémoire, le rêve, le plaisir, la tendresse...
À une époque où les idéologies sont en berne, Dea Loher, en bonne disciple de Heiner Müller qu’elle fut, ose revenir – presque à contre-courant – sur les questions plus actuelles que jamais de l’aliénation, de la marchandisation et des comportements aveuglément consuméristes de la petite bourgeoisie de cette nouvelle charnière de siècle.
Mais puisque les utopies se sont évanouies, révolte et subversion retrouvent quelques-uns des fantasmes négatifs de la fin du XIXe siècle : décadentisme et extinction de l’espèce humaine – no future !
Saturée d’humour noir, découpée en tableaux vifs et brefs, l’écriture allègre et rageuse de Dea Loher, bien que résolument contemporaine par sa langue et par ses thèmes, s’appuie néanmoins sur une tradition dramaturgique germanophone parfaitement repérable : celle de La Ronde de Schnitzler et son grand carrousel d’échanges sexuels et d’inconstances, celle du drame expressionniste à “stations” (Wedekind, Toller, Kaiser...) qui superpose en autant d’épreuves initiatiques montée au calvaire et descente aux enfers, celle du cabaret satirique hérité de Karl Valentin enfin, avec cette inépuisable gaieté corrosive qui pousse jusqu’à l’absurde et au non-sens certaines situations du quotidien. C’est dans cet héritage à la fois populaire et savant, réactualisé par son sens aigu de l’observation contemporaine, que Dea Loher puise l’efficacité de ses étranges et inquiétants cauchemars satiriques.


Yannic Mancel
pour le Théâtre du Nord

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