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L’enfant sans nom

+ d'infos sur le texte de Eugène Durif
mise en scène Philippe Flahaut

: Entretien

Pourquoi avoir choisi « OEdipe Roi », de Sophocle, comme point de départ de cette nouvelle création avec les comédiens différents ?


D’une part et d’une façon générale pour le grand intérêt que je porte aux écritures antiques ; intérêt qui s’est déjà matérialisé avec la mise en scène des « Oiseaux » d’Aristophane et du « Cyclope » d’Euripide ; et à la forme antique en tant que structure théâtrale. D’autre part pour la problématique du mythe quant à l’identité de l’homme : l’abandon, l’homme face à la solitude. De là découle une réflexion sur la place du mythe aujourd’hui, sur la perte de repères, des racines, l’incommunication dans nos sociétés modernes… l’homme abandonné par l’homme et par les dieux. Des thèmes qui me sont si chers que je savais que j’aurais un jour ou l’autre à travailler autour de ce texte.


Pour des raisons évidentes, je veux parler de cette tragédie avec les comédiens différents du CAD. Parce qu‘ils ont beaucoup à dire sur le mythe, le sacré, le destin. J‘ai eu envie de leur faire découvrir Sophocle pour ses valeurs humaines. Parce qu‘il pose les grandes questions de la condition humaine (liberté et prédestination; culpabilité et innocence, autorité et pouvoir...)
Comme OEdipe, ces comédiens sont le miroir même du mystère de la création. Comme Oedipe, ils sont exposés aux regards à cause de leur infirmité physique et mentale, signe par excellence envoyé par les Dieux aux hommes coupables. Notre ordre mondain se trouve menacé…


Pourquoi avoir choisi Eugène Durif pour réaliser une modernité du mythe ?


Bien sûr pour son écriture que je connais et apprécie depuis plusieurs années, et notamment pour « Meurtres hors champs », un travail qu’il avait mené pour Jean Michel Rabeux. Après une première prise de contact, nous nous sommes rencontrés en Avignon, en juillet 2004. Le projet l‘emballe, alors qu‘il est à deux heures de sa première dans la cour du Palais des Papes. C’est là que j’ai vraiment découvert l’auteur et sa façon d’écrire. Il a cependant souhaité voir « Zoll » en novembre 2004, au Garage (Roubaix), avant que ma commande autour d’OEdipe Roi ne soit validée. Le spectacle l’a beaucoup touché et il a souhaité s’engager avec nous sur un travail de compagnonnage. Voici quelques mots qu’il m’a adressés après la représentation de Roubaix :


« J’ai gardé des images, des moments forts, de Zoll, et je me suis senti très proche de cette forme fragmentaire où un récit se construit à travers des corps, des mots qui ont parfois du mal à se dire mais n’en n’ont que plus de force. Le désir que je peux éprouver à écrire ce texte, je ne saurais pas l’expliquer : peut être une rencontre entre des préoccupations personnelles et ce groupe, et les discussions que nous avons pu avoir… »


Le premier contact avec l’équipe artistique eut lieu en mars 2005, dans un gîte, sur le causse du Larzac … une semaine de travail, d’échanges, d’ateliers, de lectures, de recherches avec deux musiciens - Jean Raymond Gélis et sa viole de gambe, Vincent Dubus et ses bidouilles électroniques -, un plasticien - Jean Paul Delaitte -, et moi-même. Son souhait de nous accompagner dans la création s’exprima dès les premières rencontres de travail avec les comédiens différents, les deux premières semaines de juillet 2005. Avec eux, il a surtout travaillé autour du mythe d’OEdipe. Le texte final, « l’Enfant sans nom » nous fût adressé fin août 2005.


Quels apports, idées ou réflexions ont pu émerger de la confrontation entre E. Durif et le texte antique de Sophocle ?


L’apport d’Eugène est intimement lié à la synthèse des rencontres avec les comédiens différents, à notre vie de troupe, nos vies personnelles, mais aussi à notre environnement géographique, au « terroir »... Comment ne pas penser à Victor, l’enfant sauvage de l’Aveyron ?


« l’Enfant sans nom » fait référence à la vie d’OEdipe dès l’abandon et non pas à partir du retour à Thèbes et déborde finalement sur « OEdipe à Colonne ». Un personnage s’est également ajouté : Ella, l’amie, l’amoureuse d’OEdipe-enfant qui vient en contrepoids de la figure d’Antigone et qui évoque le retour à l’adolescence, le rapport « amoureux » père-fille…


Quelles scénographie et mise en scène ?


Je vais rester proche du théâtre grec et de ses codes rigoureux, tant au niveau du synopsis (prologue, cinq épisodes, épilogue) que du rythme, avec le choeur chanté et parlé. La scénographie elle-même se voudra simple… un cirque pour jouer, des gradins, des courbes, le terre pour le destin et ce chemin à parcourir… je souhaite un théâtre de l’essentiel, un plateau presque nu, un théâtre qui naisse de l’action des comédiens et de leur histoire.
Au fur et à mesure du travail, la mise en scène s’affirme avec plusieurs envies, qui tiennent d’une part à la modernisation du propos de Sophocle à travers des personnages très contemporains et d’un autre côté, une envie très « brechtienne » de casser l’émotion… on ne doit pas y croire tout le temps…


Pourquoi avoir conservé la même équipe artistique que celle de « Zoll » ?
(A l’exception du départ de Noémie Churlet et du retour parmi les comédiens de Michel Genniaux, l’auteur de Zoll.)


Ça a été pour moi une évidence, « un besoin irrésistible d’aller plus loin dans l’affirmation de mon travail avec ces comédiens différents ». Une grande partie de l’équipe actuelle est arrivée dans la compagnie avec Zoll, c’est donc une équipe artistique qui est en plein essor et qui voit l’émergence de jeunes acteurs. Il y a eu une rencontre entre cette équipe de comédiens et moi avant la création de Zoll, puis entre eux et Eugène Durif lors de la tournée de Zoll. C’est un épisode de plus dans la vie de la compagnie et de notre lieu (la Fabrick), dans la vie d’hommes et de femmes différents mais qui ont pour principale préoccupation de vivre pleinement leur vie d’artiste. Si nous repartons sur la route avec la même équipe c’est aussi pour renouveler l’expérience de vie de troupe, continuer dans la même dynamique et conserver l’énergie qui nous a poussé jusque là…

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