LE FILS.- Je suis venu te voir.

LA MERE.- Je suis content que tu sois rentré.

LE FILS.- Je ne suis pas rentré. Je traverse une petite ville dans un camion blindé. Devant, il y a un autre blindé et derrière aussi mais je ne vois rien. Je vois mes genoux et mon fusil et les mains et le fusil de celui qui est en face de moi. Je sais que c'est une ville parce que les pavés me font hocher la tête comme les chien-chiens en peluche à l'arrière des voitures. Il fait chaud même la nuit mais ce n’est pas la route des vacances, ce n’est pas la route du midi, ça sent l’homme et j’ai besoin de dormir…

Boum !

Devant, une enclume se soulève et retombe dans ses flammes. Mine ! Mine ! Il crie, le sergent. Quelqu'un tire. Alors je tire, tout le monde tire. Sur les murs, sur les toits, sur la nuit ! Trois par maison ! Il crie, le sergent. Il faut du courage ? J'ai du courage maman, j’ai trouvé du boulot, j'ai du courage, même tout seul ! Alors, tout seul, regarde-moi maman, regarde ton fils, tout seul, je saute cette petite barrière, je me plaque contre le mur à côté de la porte, je respire un grand coup en regardant les étoiles ! Elles m’appellent soldat, les étoiles ! Je fais la guerre maman, c’est ton fils qui parle ! Et j’enfonce ma crosse dans le bois et la porte s’ouvre !

Ça fait longtemps maintenant que je suis là. Ça fait longtemps que je surveille cette gamine pas tout à fait gamine. Il faut que je sache ce qu'il faut faire, maman.