: Moi, Thomas Blanguernon…(une confession)
Me sauver. Ce serait là le maître-mot de ce projet. Ce pourquoi je le fais. La seule et unique
raison.
En voici l’historique.
En janvier 2011, je me rends au Théâtre du Rond-Point avec ma compagne pour assister à une
représentation de La Conférence dans la mise en scène de Stanislas Nordey.
Choc. Choc du spectacle, de l’interprétation de Nordey, qui joue le rôle de Blanguernon et
surtout, choc du texte de Christophe Pellet. J’en ressors totalement enthousiaste.
On se retrouve avec mon amie à la librairie du Rond-Point. Je n’ai pas un rond, comme
souvent. Alors elle m’achète le texte. Je le lis aussitôt : nouveau choc.
S’ensuivent des discussions mouvementées avec ma compagne, celle-ci pensant que ce n’est
pas une bonne idée que je monte ce texte, dans la même configuration (mise en scène et
interprétation), vis-à-vis de l’endroit où je me trouve à ce moment précis de mon existence.
C'est-à-dire employé au sein d’un Centre Dramatique National.
Je ne suis pas d’accord avec elle, mais je sais qu’elle a raison. Je laisse donc l’idée de côté, en
attendant de pouvoir la ressortir.
Cependant, je continue de penser à me jouer un monologue que je mettrai en scène. Cette idée
ne sort pas de mon esprit. Je cherche. Je cherche du côté des auteurs contemporains (Mario
Batista), du côté des classiques (Georges Feydeau).
Et puis, je mets à nouveau tout ça de côté pour monter mes deux projets de l’année :
Rudimentaire d’August Stramm et Du sang sur le cou du chat de Rainer Werner Fassbinder.
Dans ce spectacle, je reviens sur scène, en tant que simple présence. Et je comprends alors
pourquoi cette envie d’être sur scène et de jouer.
Arrive la création de la pièce de Fassbinder, en mai.
Arrive le plus grand drame de ma vie, une semaine après la dernière du spectacle.
Ma compagne meurt d’un cancer dont elle souffrait depuis plusieurs mois.
Ma vie bascule. Je remets tout en question. A commencé par moi-même et mes choix de vie.
Ceux que j’ai faits jusqu’à présent. Je décide de tout changer. Je quitte mon travail pour ne
plus faire que ce qui m’intéresse depuis toujours : faire du théâtre.
Me reviens alors en tête La Conférence. Tout à changé depuis la dernière fois que j’y ai pensé.
Je pense alors que c’est vraiment le moment de le faire. Par rapport à l’endroit où je suis, ce
vers quoi je me dirige, mon état d’esprit. Je pense à l’ironie, à la rage, au cynisme de Thomas
Blanguernon. Mais aussi à sa tristesse, à son désespoir, à son envie de disparaître. Pour mieux
renaître. Renaître à moi-même, voilà l’idée maîtresse qui me conduit à me décider
définitivement pour ce texte.
Fin juin, à l’occasion d’un apéritif organisé par mon ami Frédéric Mauvignier, je rencontre
Christophe Pellet. Très vite, quelque chose se passe. Je vais le voir et je lui dis que je vais
monter La Conférence. Ses yeux s’illuminent. Il trouve ça formidable qu’un jeune metteur en
scène monte ça. On passe la soirée à se payer mutuellement des bières et à discuter. Il me dit
qu’il est content que je fasse ça. Et ça se voit. Il va de table en table et dit la même chose à
tout le monde. Qu’il est content que je monte son texte. On échange nos numéros, nos mails.
Dans les jours qui suivent, on s’écrit, il me montre ses films, je lui envoie mes textes, on se
parle de nos travaux respectifs. On essaie de mieux se connaître.
Et ensuite, la grande plongée. La nage solitaire dans les remous et les vagues du texte de
Pellet. Le travail, seule chose qui sauve vraiment, avec l’amour.
Ma transformation en Thomas Blanguernon, pour me permettre de devenir enfin moi.
Sylvain Martin
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