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L'Indestructible Madame Richard Wagner

+ d'infos sur le texte de Christophe Fiat
mise en scène Christophe Fiat

: Le projet

Les festivals de musique existaient avant Bayreuth, mais cʼest ici, dans cette petite ville au nord de la Bavière que ce mélange de fête et de recueillement pour des milliers de personnes devient un modèle pour le XX ème siècle. Devant les responsabilités quʼincombe la direction dʼun tel lieu, Cosima décide de devenir un personnage wagnérien, Kundry, lʼhéroïne de Parsifal, lʼoeuvre quʼil a créé pour la scène de son théâtre.


Si jʼai choisi dʼévoquer Kundry cʼest parce quʼelle est sans doute lʼhéroïne la plus énigmatique de Wagner. Mêlant la figure du juif errant et de la sorcière, mais aussi de la mère et de lʼamoureuse passionnée, elle ne cesse de passer du monde réel (celui des chevaliers du Graal) au monde sombre du surnaturel (celui du magicien Klingsor). Ces deux mondes sont la métaphore des désirs et des ambitions de Cosima contrariés par la domination masculine et la jalousie des femmes. Cosima est double : à la fois déterminée à être directrice et metteur en scène et à la fois submergée par le rêve dʼêtre la femme capable de remuer ciel et terre pour un idéal : les oeuvres de son mari.


Elle emploiera tous les moyens dont le plus flagrant est une manoeuvre politique machiavélique : laisser sa place à son fils, Siegfried afin de gouverner dans lʼombre.


Sur scène, il a cinq acteurs, un homme et quatre femmes. Dans un décor fantomatique, ils joueront la vie de Cosima, de la mort de Wagner à Venise à sa mort à elle en 1930. Le texte est écrit selon les règles de lʼépopée, alternant la succession dʼévénements historiques et anecdotes privées. Ils seront tous narrateurs, selon des degrés différents, selon quʼils seront immergés dans le flux de lʼhistoire ou quʼils interrompront ce flux pour mieux éclairer certains épisodes dignes dʼêtre retenus comme les retrouvailles de Cosima avec son père Franz Lizst.


Ce rôle de narrateurs sera interprété de manière directe à lʼinstar du live dans la culture rock. Inspirés par leur personnalité et traversés par le geste de la performance, ils évolueront dans une forme théâtrale proche de la rhapsodie ou de lʼesthétique du leitmotiv. Cherchant le collectif, sans jamais le trouver, ils vivront individuellement la part de barbarie qui sous-tend toute révolution artistique de ce type.


Le décor fantomatique sera traversé par les visuels de Louise Armand qui rappellent des visions de rêves éveillés et par la musique diffusée ou jouée sur scène (il y a un piano droit) qui plutôt que dʼévoquer Wagner fait des acteurs des protagonistes défendant héroïquement leur parole.


Cʼest cette défense de la parole contre les visuels et la musique qui constitue la part indestructible de Cosima. À la fin, de même quʼil est question de la transmission de lʼhéritage de Wagner, jʼévoque la transmission de lʼhéritage de Cosima.


Lʼune de ses petites filles, Friedelind est évoquée dans une dernière partie qui voit les acteurs se réunir enfin pour jouer dans un concert de voix lʼétat de lʼart initié par Cosima Wagner.


Ce projet est passé par quatre étapes de travail : en 2010 au festival Actoral dirigé par Hubert Colas : Quand je pense à Richard Wagner, jʼentends des hélicoptères, en 2011, au festival Trans 2, au Théâtre du Grütli à Genève, dirigé par Maya Bosch et Michelle Pralong, Le retour de Richard Wagner et la même année, au Festival dʼAvignon sur une invitation de Vincent Baudriller et Hortense Archambaut, dans le cadre du sujet à vif/ SACD : Laurent Sauvage nʼest pas une walkyrie, et en 2011 au festival Trans 3, au Théâtre du Grütli : Wagner Project.
Je nʼaurai pas pu créer cette pièce ailleurs quʼau Théâtre de Gennevilliers, lieu de rassemblement de tous les arts et lieu dʼexpérience littéraire avec les ateliers dʼécriture animés par Pascal Rambert. Auteur associé, jʼai pu mener à bien ce projet grâce à la liberté que lʼon mʼa donnée. La liberté de prendre le parti dʼune performance dʼacteurs et de mettre en scène un texte fait davantage pour être entendu que joué.


À bien des égards, LʼINDESTRUCTIBLE MADAME RICHARD WAGNER est une folie. Non pas au sens dʼune excentricité dʼauteur et de metteur en scène, mais au sens où je pointe la violence politique qui mine lʼart, sʼil nʼest pas lucide sur son engagement.


Quʼune femme comme Cosima ait existé et que cinq acteurs sʼen saisissent dans un portrait pas toujours séduisant, fera réfléchir – jʼespère – sur lʼavenir de la culture européenne menacée aujourdʼhui par les gouvernements dʼextrêmes droites (déclarés comme tels ou pas).


Je laisse à la discrétion de chaque spectateur la question de lʼantisémitisme de cette oeuvre prodigieuse – bien quʼy apportant une réponse – mais si jʼai opté pour la figure de Kundry, cʼest justement parce que Parsifal est le drame le plus contesté de Wagner sur un plan idéologique.


Le choix de la performance sur le jeu théâtral est aussi une réponse à cela. La parole doit pouvoir être entendu pour être jugée comme telle et ne pas dépendre dʼincarnations trop caractéristiques de personnages.

Christophe Fiat

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