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L'Amante anglaise

+ d'infos sur le texte de Marguerite Duras

: Note d'intention

« L’Amante anglaise » est basée sur un fait divers, Marguerite Duras a redistribué les sujets de ce drame de façon inattendue et plus dramatique pour sa pièce: Claire Lannes ne tue pas son mari mais sa cousine sourde-muette, qui, à l’instance de Pierre Lannes était venue vivre avec eux.
Pourquoi Claire Lannes a-t-elle commis ce meurtre ?


Les procès de cette veine scandalisait l’écrivain qui en avait déjà suivit un en 1968 et c’était exprimée ainsi : «Ce que je voudrais pouvoir exprimer, c’est la situation psychologique de l’accusé devant – en particulier – la salle comble de mardi après-midi. C’est une situation entièrement fonctionnelle. L’accusé n’a plus rien à dire parce que l’appareil judiciaire la force à nous le dire dans son langage à lui. Lorsque l’accusé a avoué par deux fois son impuissance à se raconter : « J’aimerais pouvoir m’expliquer mais je ne peux pas y arriver », personne n’a insisté pour qu’il y arrive. Je ne savais pas qu’on coupait à ce point la parole aux accusés. Ils ne peuvent parler qu’interrogés. Et dès qu’ils se lèvent pour parler, on ne leur laisse pas le temps de le faire. La dernière personne qui compte à ce procès c’est évidemment l’accusé. (…) Il y a injustice, quant à nous, lorsqu’un criminel, n’intéresse plus personne, mais elle ne s’intéresse plus à elle-même. Elle n’est plus personne »


Dans « L’Amante anglaise », les aveux sont déjà établis ; Claire Lannes a avoué avoir tué sa cousine, sourde et muette, mais n’arrive pas à trouver une explication à son geste ; « je cherche pour elle », dit l’interrogateur.


J’ai commencé à m’intéresser à cette pièce un été il y a deux ans, quand la petite fille Maddie avait disparu au Portugal. Jour après jour on voyait ses parents à la télévision et en photos dans les journaux. Leurs visages, leurs positions, leurs phrases, leurs actions, étaient scrutés à la lumière du doute ou de la compassion. Le même visage semblait coupable ou innocent en quelques minutes.


Dans la pièce, bien que la coupable, Claire Lannes (Ludmila Mikaël) soit désignée, Marguerite Duras la fait apparaître de façon parfois « innocente » mais aussi ambigüe. Pierre Lannes (Ariel Garcia-Valdès), est parfois bavard et affable, mais révélant aussi une culpabilité qu’il ignore sans doute. Pierre Lannes se comporte de façon «excessivement » normale, presque insolite pendant que Claire Lannes exprime des réactions folles auxquelles nous pouvons nous identifier ; du moins qui nous touchent. C’est ce que l’Interrogateur (André Wilms) nous révèle.


Rendre « L’Amante anglaise » proche d’un documentaire ; en exprimer l’hyper-réalisme et ne pas entrer dans une fausse mélodie durassienne, élaborer un travail lucide et intérieur avec les comédiens : voilà ce qui m’excite dans cette pièce. Un interrogatoire se joue devant nous, d’une seule traite.


« L’Amante anglaise » a été écrite pour être jouée devant un rideau de fer, et donc dans un espace défini, presque technique, ce qui rend l’atmosphère pré-carcérale très crédible. Sur ce rideau je désirerais voir projeté des trains, en route ou en gare. Ils évoqueraient ce crime étrange après lequel Claire Lannes éparpillait les pièces du corps de sa victime. Le train serait aussi comme un moteur puissant de déplacement, comme un transport vers l’inconnu ; le train comme l’expression d’une vie libre : il avance sur les rails, les aiguillages le font changer de direction d’une façon surprenante. Les rails deviennent des « cours de vie », ils évoquent des décisions surprenantes, des déraillements parfois, ils deviennent un système d’artères, symbole de vie et d’existence. Les images projetées de trains deviennent une façon de rythmer la narration.
J’ai eu la chance de pouvoir travailler à ce projet avec Caroline Champetier, chef-opérateur qui a filmé les trains, leur vitesse, la violence de leur apparition, la géométrie qu’ils dessinent dans l’espace ; avec le décorateur Bernard Michel qui m’a proposé l’envers du rideau de fer, et avec Bernadette Villard pour les costumes. La pièce se jouera dans les lumières de Dominique Bruguière, André Serré en assurera l’illustration sonore.

Marie-Louise Bischofberger

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