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Journal d'un corps

mise en scène Clara Bauer

: Entretien avec Daniel Pennac

propos recueillis par Pierre Notte

L’homme qui a entendu la voix de Sarah Bernhardt, l’avez-vous rencontré ? S’agit-il de son histoire ?


C’était un de mes grands oncles, un homme du XIXe siècle qui avait effectivement fait la Guerre de 14. Il était chauve et m’avait raconté des histoires de Poilus qui avaient laissé leur chevelure sur le champ de bataille. À mes yeux d’enfants, tous ces septuagénaires venus de l’autre siècle étaient chauves, sans exception, et tous cintrés dans le même costume trois pièces. Une apparence commune pour une espèce en voie de disparition. Ensuite viendrait l’espèce blue jeans.


Êtes-vous, d’après vous, dans une approche plutôt clinique, littéraire, sentimentale ou nostalgique du corps ?


Attentivement rêveuse, je dirais. Jusqu’à ce que j’écrive Journal d’un corps, je ne pensais pas explicitement au corps, mais j’ai toujours été touché par sa présence dans mon espace. Le corps des autres a toujours peuplé mon univers comme objet d’intérêt et comme les meubles d’une maison familière. Les corps m’émeuvent, leur vocation au changement, et cet effort que les uns et les autres font pour s’adapter au leur, un effort qui n’est pas seulement le produit de la comédie sociale. Cette histoire toujours personnelle entre notre corps et nous m’intéresse.


Votre Journal d’un corps a-t-il modifié votre rapport à votre corps ?


Le fait est que j’ai plutôt été en bonne santé pendant ces cinq années. Mon corps m’a gentiment fichu la paix pour que je puisse m’occuper de sa petite personne. Comme s’il me fallait ne pas penser à lui pour mieux parler de lui. Cela dit, la part autobiographique de ce livre est plutôt réduite. Le corps des autres et le corps en soi l’emportent largement.


Le corps, de la fin du XIXe siècle à aujourd’hui, et nos rapports au corps, ont considérablement changé, quelle métamorphose vous passionne ou vous intrigue le plus ?


Je ne pense pas que nos rapports intimes avec notre propre corps aient beaucoup changé. Ici, pèsent toujours le même secret, la même pudeur, la même timidité, la même... enfance (nous sommes toujours et jusqu’au bout l’enfant de notre corps, un enfant secret qui répugne à en parler). Le paradoxe vient de ce que le corps public, lui, est en revanche, de plus en plus exposé, par la publicité, le cinéma, la mode, la musique, la scène, le body art, l’industrie pornographique, l’imagerie médicale, etc. Ce corps-là n’a plus de secret pour personne, y compris pour l’enfant qui peut le découvrir en pianotant sur n’importe quel ordinateur. Mais je ne pense pas que cette débauche d’informations objectives change grand chose à notre rapport intime au corps, qui est fait de surprises quotidiennes, de stupeurs toujours vécues comme plus ou moins inavouables.


Vous aimez le plateau, la scène, y évoluer, en lecteur de vos textes, quel plaisir y trouvez-vous ? Et pourquoi ne pas jouer ? Pourquoi ne pas devenir acteur ?


J’aime écouter des lectures et en faire. De là à mettre en péril des comédiens auxquels j’imposerais mes trous de mémoire, il y a une sacrée marge !

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