"Un monde blanc, ou gris-blanc, où les pensées se lisent, semblent se déposer en fines pellicules. Quelque chose de translucide, où une petite humeur, un léger changement nerveux, se lisent, se sentent, s'enregistrent. Le tamis est très fin, il doit recueillir le plus ténu, le plus humble, et le plus secret des pensées et de ses variations. Pensons à Nathalie Sarraute.

Pour les acteurs, cela implique d'être maître de ce qui peut affleurer sur le visage, dans la voix et les gestes. Une tristesse, une joie, une simple satisfaction, une contrariété, doivent apparaître,avec une clarté et une finesse extrêmes.
Il s'agit d'être dans les têtes, et à l'extérieur, dans l'entre-deux où circulent les pensées, milieu translucide, gelé ou fluide, où se lisent désirs, opinions, jugements, regrets, remords, doutes, colères, dépits, etc. Milieu ni cérébral, ni intellectuel, bien sûr un peu l'un et l'autre, mais cela ne doit pas tirer vers l'abstraction, un espace trop abstrait. Eléments réalistes.
(…)
Pour la fin: raréfaction de l'air. Temps qui se fige définitivement, ne passe plus, sinon par blocs de secondes, ou d'années, c'est du pareil au même. La parole ralentie, peut-être. (éviter cependant le devenir-Beckett). Rendre sensible les significations de plus en plus confuses, de plus en plus épaissies, opaques.
Muriel réapparaît sans doute avant la toute fin. J'ai un doute sur l'ultime scène. Le sens de cette dernière scène est la mort de Jean. Comme soustrait. Une scène avant, il est là, une scène après, il n'est plus là. Sentiment de dévoration (Pauline a dévoré Jean), sans une goutte de sang: effacement pur d'une personne qui n'a jamais tout à fait existé, n'est jamais tout à fait apparu."

Denis Podalydès