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: Note d’intention

Pourquoi la folie ?


La folie est un terme bien difficile à définir, tant par son histoire que son contenu. D’abord cachés, enfermés, traités durement, puis soignés, étudiés et même exhibés, les malades mentaux ont connu de nombreux statuts. La rencontre entre la psychanalyse issue de Freud et la psychiatrie renouvelle le regard sur la folie. Le fou ne fait plus peur. On essaie de comprendre son univers, d’expliquer la relation entre le normal et le pathologique, en montrant qu’il y a chez l’homme normal des phénomènes qui approchent de la folie comme le rêve, le cauchemar, l’angoisse… On se met à écouter et à faire attention à ce que disent ou font les malades mentaux. On s’intéresse au processus même, à ce qui fait qu’on devient fou. On prend la folie au sérieux et on s’intéresse à ce qu’elle produit. Dans le courant du 20ème siècle, la folie devient source de créativité. Il y a une interrelation entre les artistes et les maladies mentales. Création et folie ne sont-elles pas voisines ? L’une n’est-elle pas la limite de l’autre ? Mais qui détient le tracé exact de cette limite ?


Dans le texte La folie l’absence d’oeuvre, Michel Foucault écrit : « Pourquoi avoir recueilli les paroles de Nerval ou d’Artaud ? Pourquoi s’être retrouvé en elles et pas en eux ? (…) Même si les progrès des sciences médicales pourront faire disparaître la maladie mentale comme la lèpre ou la tuberculose, une chose demeurera, qui est le rapport de l’homme à ses fantasmes, à son impossible, à sa douleur sans corps, à sa carcasse de la nuit (...) Il est plus étrange de demander la vérité de l’homme à la folie que de la demander à la mort : car la mort dit ce que tous seront. La folie, en revanche, est le rare danger, une chance qui pèse peu au regard des hantises qu’elle fait naître et des questions qu’on lui pose. Comment, dans une culture, une si mince éventualité peut-elle détenir un pareil pouvoir d’effroi révélateur ? »


Voilà ce qui intéresse Michel Dezoteux : le processus, les questions, les fantasmes, les limites, les dangers. De quoi la folie est-elle donc révélatrice ?


Une trilogie sur la folie


Au départ du projet global, il s’agit d’un désir de travailler sur l’art brut qui est par essence l’art des « fous ». C’est ce qui échappe, qui jaillit sans barrages et sans frein – et souvent sans fin –, qui donne cette fascination de la création, de l’improvisation, du geste créatif, de l’écriture automatique. Il n’y a pas de but ou de résultat recherché dans cet acte, mais il y a quelque chose qui pousse à ça, quelque chose qui reste de l’ordre du mystère. Que se passe-t-il dans cette fulgurance ou cette obsession ? De quoi s’agit-il ? C’est le processus qui mène à la folie qui m’intéresse plus que la folie elle-même, un processus forcément morbide. Comment nous sommes tous à la limite de cette frontière entre normalité et folie. Comment nous nous approprions le réel pour ne pas sombrer. Faire de l’art et de l’art gratuit, ce n’est pas très à la mode. Il s’agit d’un processus pulsionnel dont on ne peut dévier ; on ne peut que le vivre sinon on devient malade. Ce qui nous amène à créer, c’est ce qui pourrait sauver l’humanité, mais l’humanité ne veut pas être sauvée. Elle veut la raison et elle a déterminé les limites entre raison et folie.


Il me semble que tout acteur de théâtre produit à sa façon de l’art brut et comme mon métier est le théâtre, je me suis demandé quels sont les grands fous ? Il y a les écrivains décalés comme Lenz ou Artaud… et il y a aussi des grands personnages qui parlent de la folie. Les pièces de Shakespeare sont truffées de ces personnages de fous, mais parmi eux, il en est un principal, différent des autres, c’est Hamlet et ensuite Macbeth. Ces deux-là voient des choses que les autres ne voient pas et ils produisent des discours qui s’appuient sur ce qu’ils voient, sentent et que les autres ne perçoivent pas. N’est-ce pas cela la folie ? Et puis, il y a aussi ceux qu’on doit enfermer pour les protéger d’eux-mêmes et nous protéger d’eux.


À partir de ces écrivains, de ces personnages et de ces psychotiques, ce que je recherche dans mon projet en trois temps, c’est de parler du phénomène de la folie dans des aspects divers. À commencer par Hamlet.

Michel Dezoteux

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