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ETB

mise en scène Christiane Girten

: Notes d'intention

ECRITURE


En observant mon entourage, deux choses me frappent de plein fouet :


L'exagération/ l'état brut des adolescents, et l'injustice que vivent les sans-papiers. À première vu, ces deux sujets n'ont rien en commun si ce n'est la gêne et l'irritation qu'ils me procurent!


Ainsi, le texte ETB, je l'ai écrit par nécessité, oui, pour me confronter à la réalité et à mes utopies liées à ses sujets.


Observation : L’adolescence est un moment nerveux, fragile et douloureux. S’exprimer, parler de soi est presque impossible et pire encore quand on est condamné au mutisme par sa clandestinité… Ne pas paraître différent ou ridicule, être admis dans le cercle d'amis, même si ce qu'on y fait est débile... Sentir cette boule au fond de la gorge, pleurer de rage ou tout casser; s’accrocher à ses rêves d’enfance et faire ses premiers deuils... Il n'est pas facile de traverser la soupe périlleuse qu’est l'adolescence, ce passage vraiment primordial pour l'avenir.


Notre société nous donne - à côté des obligations ou des lois à respecter (ou encore à mettre en question) - le choix de prendre son propre avenir en main, de diriger soi-même sa vie en empruntant de nouvelles voies et en s'intéressant à l'Autre avec le respect qu'il mérite. Qui de nos jeunes adolescents se sent politiquement impliqué?


Une question centrale me vient en tête : Comment passer d'une vue nombriliste à une vue d'ensemble et d'un stade egocentrique à une dimension de reconnaissance et de partage - malgré les différences?


LA PIÈCE


ETB suit le parcours mouvementé de trois adolescents – Elisa, Thomas et Bilal, en quête d'identité, d'amour et de justice sociale.


Sur fond de triangle amoureux, ETB met en lumière le passage de la révolte, de la rage primaire à l'engagement citoyen, des gémissements têtus au cri de joie…et à la reconnaissance de l’essentiel.


Servi par une écriture tantôt crue, tantôt poétique, ETB est un récit moderne; un théâtre sans artifice, pur et brut comme ces trois personnages, piquées au vif.


METTRE EN SCÈNE ETB : LES MOTIVATIONS


Le rejet par l'adulte ou les reproches qu'un adulte peut faire envers l'adolescent chargé d’une violence latente constante, peuvent le briser ou étouffer sa force.


Je veux enlever le poids de la culpabilité de l'adolescent d'être adolescent, démontrer qu'il est "normal". Mais, je veux aussi démontrer que l'énergie débordante d'un adolescent peut être utilisée à bonne ou à mauvaise escient, à tort ou à raison, elle peut être mise au profit de la destruction ou à la construction d'un entourage social porteur de reconnaissance de tous...


L'adolescence, c'est le moment où l'on essaye de trouver un sens à sa vie. Et si le sens de la vie est le fait d'être en vie? Alors la question qui domine est quel est l'objet de ma vie? Quel est la voie qu'on emprunte pour assurer son propre bien-être et par extension celui des autres? Mais encore, question importante, comment jongler avec nos désirs qui viennent si souvent brouiller les pistes?


Le désir, en effet, et au coeur d’ETB :


-Le désir amoureux (stade ultime de la rencontre de l’autre),


-Le désir sexuel (comment je gère mon désir sexuel dans le cadre de la première relation amoureuse, et/ou dans le contexte d’un « rite initiatique »),


-Le désir d’émancipation individuelle (je ne peux pas intégrer le groupe, ses normes ne me -correspondent pas ou ils ne veulent pas de moi),


-Le désir de justice sociale (la réalité clandestine des sans-papiers n’est pas juste, je m’engage à faire quelque chose pour la transformer) !


Partant de l'hypothèse que tout enfermement est néfaste, la mise en scène a pour but de montrer la nécessité de s'exprimer pour ne pas imploser, de parler de ce qu’on vit ou a vécu pour être entendu; de mettre le spectateur en alerte sur la nécessité de s'entourer de personnes qui l'écoutent, réellement!


J'espère pouvoir toucher les individus du public, les faire réfléchir sur leur existence et les mécanismes de leurs comportements.


LA MISE EN SCÈNE


La scène est le lieu de l'expression visuelle de la pensée. C'est un endroit sur lequel sont projetées de multiples histoires en devenir. En ce sens, la pièce n'est pas complètement réalisée sur scène, car c'est à chacun – aussi aux spectateurs – de construire son décor imagé et d'y étendre les rhizomes et synapses de ses propres pensées; de circuler à l'intérieur de l'oeuvre théâtrale, d'intégrer les images et les sons proposés et d'inventer une histoire personnelle.


Quelques questions se posent :


-comment parler aux adolescents d'eux-mêmes,


-comment leur donner un outil de mise à distance de leur vécu,


-comment être crédible à leurs yeux,


-comment capter leur attention?


La pièce joue avec des clichés et des stéréotypes pour mieux les démontrer, Elisa, une coriace qui se rebelle et "aboie" plus fort que les autres, Thomas, le musicien qui par fragilité émotionnelle se refugie dans l'obscurantisme religieux violent et Bilal le mal-aimé, le non-toléré qui a détruit par goût de vengeance d'autres vies en s'attaquant à plus faible que lui. Les acteurs jouent sur la notion des motivations des personnages. En choisissant des comédiens encore proche de l'âge des personnages et en les faisant travailler sur une fébrilité corporelle et psychologique, j'espère d'être au plus près d'une réalité théâtrale crédible.


Ainsi, ETB dessine des modèles qui peuvent susciter le discernement critique chez les spectateurs.


Scéniquement, allant d'un extrême à l'autre, je tente de garder en éveil, de tenir en haleine le public : des moments de violence verbale ou physique alternent avec des moments intimes et doux, les moments de jeu d'acteurs respectant le 4ième mur sont parfois échangés contre des adresses directes au public, les moments de jeu dramatique alternent avec des moments de vidéoprojection de textes en animation, les scènes courtes alternent avec des scènes plus longues…


"Être rien ou ne pas être rien voila la question." De rien ne vient rien. Rien ne dure jamais… Les videoprojections à caractère philosophique tendent vers une "autodéfense intellectuelle", tentent de redire le désir proclamé par Elisa de sortir son esprit des lieux communs et de la médiocrité des facultés de penser.


L'éclairage démontre le chemin parcouru par Elisa et Bilal : la scène plongée dans la quasi obscurité devient à la fin du spectacle chaleureusement éclairée.


L'éclairage souligne également les différents lieux de l'histoire, qu’ils soient "réels" ou émanant de la tête du personnage.


CONCLUSION


Écrire et mettre en scène ETB est une réaction à l'abêtissement, à l'abrutissement galopant et au jemenfoutisme de notre société. Il est grand temps de s'intéresser à cette nouvelle "génération perdue" qui semble servir uniquement la guerre des marques et qui heurte par cette perfide réalité!


Probablement, ETB ne résout rien, ETB ne fais que confronter des corps qui essaient de parler pour guérir du manque d’amour et de compréhension générale.

Christiane Girten

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