Avec Dyptik, en faisant dialoguer la France et le Mali, j’ai fait le pari que le croisement et l’interaction de deux identités culturelles et artistiques nourriraient ma recherche chorégraphique et l’amèneraient à dépasser ses codes habituels.

Lorsque je me présente comme danseur en France, je dois encore préciser quel type de danse : "hip-hop", puis quel genre de hip-hop: "breakeur…". Se définir est devenu inévitable.

J’ai découvert que ce n’était pas le cas au Mali, où le hip-hop et la danse sont abordés dans leur globalité. La rencontre avec les danseurs maliens et leur richesse chorégraphique a servi de déclencheur. J’allais pouvoir confronter nos exigences et notre spécialisation au vaste éventail de leurs pratiques et à leur aisance à manier des styles de danse variés.

Nos voyages au Mali et les ateliers menés en France ont nourri cette mise en question. Le dialogue qui s’est instauré nous a notamment rappelé que le hip-hop porte un langage pluriel qui incite à bousculer sans cesse les habitudes chorégraphiques.

Dyptik retrace la rencontre et le dialogue de deux univers qui se regardent et se complètent. Les corps s’y mêlent et se confondent, le mouvement se fluidifie jusqu’à ce que les gestes de l’un prolongent ceux de l’autre. Dyptik reflète cette quête identitaire : les mouvements et les corps s’y entremêlent dans une chorégraphie qui se nourrit de nos différences d’esthétiques, d’énergie et de gestuelles.

Cette démarche artistique représente un vrai défi pour les danseurs, chahutés dans leurs représentations. L’alternance de temps de travail entre la France et le Mali a justement permis à chacun d’eux de quitter ses repères, de ressentir le dépaysement et d’expérimenter l’altérité pour mieux les retranscrire sur scène.

Les émotions de chaque danseur, confronté à l’autre et enrichi de sa différence, constituent l’essence de cette pièce. C’est pour cela que j’ai tenu à les impliquer étroitement dans le travail d’écriture et de création de Dyptik.

Souhail Marchiche