theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « Cochons d'Inde »

Cochons d'Inde

mise en scène Antony Mettler

: Entre théâtre de boulevard et théâtre de l’absurde

Entretien avec Sébastien Thiéry réalisé par Anna Kubista sur Radio Prague, novembre 2011

Vous êtes-vous inspiré d’un événement particulier de l’actualité ?


Oui, il y a quelques années, la société d’acier français Arcelor a été rachetée par Mittal, une grande société indienne. Donc une grosse société indienne rachetait une société française déjà très importante. Soudain, on se rendait compte que les Indiens, qui étaient les pauvres il y a quelques années, deviennent les riches et rachètent les sociétés françaises. Il y a aussi un rapport entre le client de la banque et le guichetier, qui est un petit monsieur et qui a soudain le pouvoir sur le bourgeois, tout comme les Indiens ont le pouvoir sur les Occidentaux.


C’est un peu le principe du carnaval, de l’inversion des rôles ?


Je ne sais pas, je ne suis pas familier des carnavals. Mais j’aime bien l’idée qu’un bourgeois qui a de l’argent doive rendre des comptes à quelqu’un qui a peu de pouvoir, tout comme un Français doit rendre compte à des Indiens, alors qu’on les méprisait il y a une certaine époque. D’ailleurs on les méprise sans doute encore aujourd’hui, alors que ce sont eux qui ont l’argent et le pouvoir.


Le personnage paye pour l’arrogance de l’Occidental…



Chacun son arrogance, au final personne ne fait de cadeau à personne. J’aime bien l’idée que les riches doivent rendre compte aux pauvres et que d’un coup les choses basculent…


C’est un huis-clos, ça se passe dans une banque pendant environ 24h. Quand on lit des critiques sur cette pièce, le terme qui revient le plus fréquemment, c’est « kafkaïen »… (…)



(…) Je ne connais pas bien Kafka, mais je me suis renseigné puisqu’on m’a comparé à lui, même si je n’ai pas son talent. Il y a cette chose en commun qui est de ne pas comprendre pourquoi, comme dans Le Procès, on demande des comptes à cet homme. C’est totalement injustifié, on ne lui expliquera jamais pourquoi. Un peu comme chez Kafka, il y a la volonté de faire rire avant tout. C’est moins connu, mais Kafka pensait que ses œuvres étaient comiques… En tout cas, la mienne l’est résolument. Il y a cela de commun entre nos deux univers.


Cet humour et cette ironie, c’est quelque chose que vous recherchez dans l’écriture de vos pièces ou bien est-ce spécifique à cette pièce-ci ?


J’ai commencé par écrire des sketches totalement absurdes et puis j’ai voulu pouvoir faire tenir l’absurde pendant une heure et demi. C’est un défi bien sûr. Mes pièces empruntent aux règles du théâtre de l’absurde et du théâtre de boulevard. J’essaye de marier deux théâtres et d’en faire un qui est le mien désormais. J’ai écrit quatre, cinq pièces depuis Cochons d’Inde et elles obéissent toutes aux même règles : il y a toujours une situation de départ complètement absurde, avec souvent un bourgeois – je dois avoir un compte à régler avec eux ! – qui se retrouve empêtré dans une situation, essaye de s’en sortir sans comprendre ce qui lui arrive.


L’absurde est-il, selon vous, le reflet de notre époque ?


L’absurde est le reflet de beaucoup d’époques. Je pense que l’absurde est né après la première guerre mondiale et surtout après la seconde parce qu’on avait atteint un tel niveau dans l’horreur. L’absurde vient de là, je crois. De l’absurdité de la vie. L’absurde reflète l’époque actuelle mais bien d’autres aussi. Je pense que cela fait un bout de temps que le monde marche sur la tête. En tout cas, les gens y sont sensibles.


Avant d’être auteur de théâtre, vous êtes aussi comédien. Cette expérience d’acteur, sur les planches, vous sert-elle pour écrire ou bien ces deux activités sont-elles totalement dissociées ?


En préambule, je dirais qu’il y a énormément d’auteurs de théâtre qui étaient acteurs. Je crois que ce n’est pas le même principe. Quand on écrit pour le théâtre, on écrit des situations et des dialogues. On n’écrit, enfin personnellement je n’écris pas avec la volonté de dénoncer quelque chose. C’est juste un prétexte pour faire du théâtre. Moi, j’ai écrit du théâtre parce que je n’avais pas de travail. Pas parce que j’avais quelque chose à dire. Ce qui me semble important c’est que ce soit facile à dire et jouable, qu’il y ait une situation forte. Le fond ne m’intéresse pas du tout, contrairement à la littérature. Moi je me sers du sujet pour pouvoir faire du théâtre (…).

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.