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Couverture de Voyage de Madame Knipper vers la Prusse Orientale

Voyage de Madame Knipper vers la Prusse Orientale

de Jean-Luc Lagarce


Voyage de Madame Knipper vers la Prusse Orientale : Extrait 1

ThCI, p. 133-135

Tout le monde se remet en marche‚ en direction du côté jardin.


C.‚ à A. – Madame Knipper dansait. Après qu’on l’eut prévenue‚ elle partit immédiatement… Elle va dans sa maison‚ elle prend ses affaires. Ses domestiques pleurent dans les couloirs…


A. – Ils savent aussi ce qui est arrivé‚ ce qu’il y avait dans le message qu’on apporta à Madame Knipper‚ au bal après la représentation de ce soir-là.


C. – Elle prend ses affaires et puis elle s’en va. Il faut qu’elle parte tout de suite. Au bas de l’escalier… ou bien dehors‚ dans la rue‚ les autres‚ les trois hommes et la femme‚ l’attendent… Ils disent qu’ils veulent partir aussi vers la Prusse Orientale… Ils disent qu’ils l’accompagneront‚ et ainsi‚ ils pourront profiter de la voiture…


A. – La voiture ! (Elle rit.)


Ils sortent tous côté jardin.
Noir après leur sortie.


Un temps.


Ils entrent et marchent lentement en direction du côté cour.
Pour F. et G. même jeu que tout à l’heure. Ils peuvent installer les accesssoires à la même place qu’au tour précédent ou les disposer symétriquement à cette première fois.


C. – Madame Knipper était actrice‚ une des actrices les plus célèbres de la Capitale‚ à cette époque… Chaque soir‚ le théâtre était plein‚ et la foule‚ debout‚ l’applaudissait à n’en plus finir. On racontait des histoires invraisemblables sur des jeunes gens devenus fous d’elle…


A.‚ elle rit. – C’était des fêtes à n’en plus finir… Des bals… On buvait du champagne…


B. – A cette époque‚ moi‚ je portais des robes de soie de la meilleure apparence… On vivait une vie drôle et sans problèmes… La situation n’était pas ce qu’elle est devenue…


D. – Je suis fatigué… Je veux dire : « vraiment »… je crois qu’il faut s’arrêter un peu‚ à nouveau… je suis désolé…


E. – Ne vous inquiétez pas. C’est une chose prévue. Elle est régulière : il faut des temps d’arrêt…


D. – Ici‚ c’est très bien‚ n’est-ce pas ? Cela nous changera…


B.‚ elle rit violemment. – Je vous en prie‚ monsieur… Si cet endroit doit nous changer de quelque chose‚ je serais curieuse de savoir de quoi.


E. – Ne l’importunez pas… Il est fatigué… Il a dit cela sans y penser.


B. – S’il est des choses que l’on peut dire sans y penser‚ ce n’est certainement pas celle-là. Cet endroit ne nous change pas‚ il ne nous change de rien du tout…


E. – Bien sûr‚ bien sûr… Je comprends fort bien ce que vous voulez dire par là et…


B. – Ne vous lancez pas‚ une fois encore‚ dans des discours et des élucubrations à n’en plus finir… ! Je supporte cela de moins en moins.


A. – Ma chère amie…


B. – Je ne suis pas votre chère amie !


A. – Vous êtes fatiguée certainement et…


B.‚ elle rit. – Bien sûr‚ je suis fatiguée. C’est la chose la plus naturelle‚ la plus logique du monde. Nous sommes à l’endroit précis‚ exact‚ où nous sommes‚ chacun‚ en droit d’être fatigué. (Elle rit.)


Un temps.


Je propose donc que nous nous arrêtions quelque temps ici. Une halte par hasard dans un endroit charmant… C’est un désert‚ n’est-ce pas ?


D. – Je ne sais pas‚ madame. Je ne sais pas vraiment. Je n’ai pas‚ je l’avoue une véritable expérience de ce genre de chose‚ mais il me semble…


B. – Oui‚ monsieur‚ il vous semble… ?


D. – Il me semble bien‚ j’ose le dire‚ que c’est un désert…


B. – Une de ces surfaces immenses dont on ne voit pas la fin ?


D. – Oui‚ quelque chose comme la mer‚ en quelque sorte… Si mes souvenirs sont exacts… Une surface plane‚ mobile‚ immobile tout à la fois…


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