Ils sont cinq, trois hommes et deux femmes. Ils nous font face, un peu gauches. Cinq Égarés qui cherchent obstinément à se rapprocher de nous, le public, nous qui avons trouvé notre place. Ils ont tant de choses à nous dire. Mais on les en empêche, on les tire en arrière, on couvre leur voix. Ils doivent prendre garde au marteau-pilon, puissance frappante sortie de l’ombre, qui tente de les aplatir. On pourrait finir par en rire… Mais ils ne s’avouent pas vaincus. Ils déjouent la menace et s’amusent de constater qu’ils existent bel et bien. Il y a quelques années, Pierre Meunier a travaillé avec des patients psychiatriques d’Ainay-le-Château. Le désir de créer avec ses comédiens Les Égarés est né de cette expérience, de la rencontre avec ces « rêveurs blessés » qui n’ont pas su ressembler à quelque chose ou pas voulu se plier à la norme. Parce que le théâtre est peut-être le dernier lieu public où la présence de ces Égarés est encore tolérée. Parce que c’est peut-être le dernier lieu public où il est encore possible de rêver, de s’échapper de cette norme tellement rassurante qui nous évite de penser.