theatre-contemporain.net artcena.fr


La Lettre : Intrusion

Le fantastique surgit tout à coup dans le monde familier et connu, dans la vie quotidienne et banale, et renverse l’ordonnance des choses. Le «mystère», l’inexplicable, l’inadmissible demeurent intacts lorsqu’ils se révèlent dans l’impossibilité de trancher entre l’illusion et la réalité, le surnaturel et le naturel. Le fantastique occupe le temps de cette incertitude: dès que l’on choisit l’une ou l’autre réponse, on quitte le fantastique pour rentrer dans un genre voisin, l’étrange ou le merveilleux. «Le fantastique, c’est l’hésitation éprouvée par un être qui ne connaît que les lois naturelles face à un événem ent en apparence surnaturel.» Alors seulement surgissent la peur insidieuse, le doute angoissé ! Nombre d’oeuvres récentes déplacent le fantastique de l’extérieur vers l’intérieur: ce qui trouble, c’est moins le surnaturel possible que l’intrusion du rêve, le triomphe de la folie, les débordements de l’inconscient, tout ce contre quoi aucun être humain n’est prémuni, tous ces fantômes, tous ces monstres qu’il crée lui-même et dont il peut être la plus sûre victime, tous ces états incertains et ambigus dans lesquels l’homme adulte voit des menaces parce qu’il s’y pressent dépossédé de sa vigilante maturité, de sa rassurante permanence, de son identité sociale. Cette « inquiétante étrangeté» forge les nouvelles «merveilles »de la modernité.


Claude Puzin, Le Fantastique, éd. Nathan