theatre-contemporain.net artcena.fr


: Naissance d’un portrait

par François Berreur

Projet de reprendre au Théâtre de l’Athénée Ebauche d’un portrait avec Laurent Poitrenaux, dans la petite salle et dans le même temps que les représentations de J’étais dans ma maison et j’attendais que la pluie vienne, c’est la même idée scénographique, il est seul en scène, cela semble léger…
Projet de faire une lecture à Caen à l’occasion de l’accompagnement de la création haïtienne au CDN de Caen et désir de Marcial Di Fonzo Bo de lire avec Laurent… Projets en incertitudes dans cette période où tout est compliqué, aléatoire, mettre en œuvre Ébauche d’un portrait, c’est lourd techniquement, c’est long (2 heures 15)… mais j’adore ces acteurs, on parle, on s’enthousiasme, une création plutôt qu’une reprise !


Le temps a passé depuis la création en 2007 de Ebauche d’un portrait qui à la suite d’une mise en espace à Théâtre Ouvert avait été représenté 200 fois sur les scènes françaises.
Si j’avais fait le spectacle pour laisser la parole à Jean-Luc Lagarce, pour qu’il se présente lui-même, on me demande maintenant de raconter ce que furent ces années de compagnonnage. Et depuis, il semble aussi que l’on ait entendu l’écriture de Lagarce et c’est ce qui terriblement manque dans cette « ébauche » où l’on voyait la vie qui passe et l’écriture se construire mais où l’on n’entendait pas celle-ci.


Je n’écris pas, les mots de Lagarce seront suffisants et de toute façon le plus important c’est ce que chacun voudra croire :

  • Et parfois‚ pourtant‚ cela me parut plus exact‚ le récit‚ plus exact que ce qu’avait été la réalité que nous avions vécue.(Histoire d’amour (repérages), 1992)

J’avais fait une ébauche il faut accepter maintenant de dresser un portrait, de revoir nos échanges ou leurs absences, le secret de nos vies et ce que nous ignorons l’un de l’autre, mais cela ne doit pas nous empêcher de le raconter.


Témoin privilégié je ne suis que cela et c’est déjà beaucoup. J’ai donc tissé, avec parfois malignité, des évidences que chacun souhaite admettre entre l’œuvre et l’homme. Ce ne sont ici que prétextes à raconter une aventure artistique, je n’ai rien à dire ou ne pas dire.


Je m’aperçois aussi aujourd’hui, alors que j’achève le travail de mise en scène de J’étais dans ma maison…, que je n’avais pas entendu l’écriture de Lagarce (il a perdu en route son prénom dans la reconnaissance). J’ai pourtant joué sous sa direction dans cinq de ses textes, j’en ai mis en scène cinq autres et j’ai publié l’intégralité de ceux-ci.
Je me sens comme un heureux spectateur-lecteur qui entend pour la première fois une voix singulière et me reviens en tête cette phrase que nous partagions si souvent avec Jean-Luc issue du spectacle "Chroniques maritales" d'après Jouhandeau : « Après tant d’années que la surprise dure encore, c’est beau. »


  • François Berreur, Port-au Prince, décembre 2020
imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.