: Synopsis et présentation
Une classe d’école, réunion de parents d’élèves. Elle est là, elle aussi, la mère de Burt, celle qu’on n’a
pas vue depuis des années, qu’on aurait sans doute préféré ne pas revoir, mais qui s’est invitée
d’office, alors que son fils n’est plus dans l’établissement depuis belle lurette !… Alors, comme le prof
principal est en retard, elle se lève et elle parle, ou plutôt elle s’agrippe à la parole, se cramponne aux
mots, se bat avec la syntaxe et les souvenirs, mais enfin il faut bien parler, expliquer, s’expliquer, que
le monde comprenne pourquoi elle est là, pourquoi Burt n’est plus là, ce qui s’est passé alors que…
Mais pour cela, il faut tout reprendre, repartir du début, le tout début, les yeux de Bernard, son
premier amour, et sa première fois sur la moquette du cinéma de Lorette (Loire), tandis qu’à l’écran
Lancaster (Burt) se roule sur la plage en embrassant Deborah Kerr (ah, « Tant qu’il y aura des
hommes » !…), la lâcheté de Bernard apprenant qu’il est père, la galère des filles-mères, la galère
tout court, les foyers et les assistantes sociales, la catégorie « enfant difficile » où l’on voudrait
enfermer son fiston, l’angoisse de n’offrir à Burt qu’un avenir de raté, le fantasme soudain d’en faire
une star du ciné (puisqu’il a été conçu sous les auspices d’Hollywood !), le détour par Clermont-
Ferrand (et son festival !) puis la montée à Paris pour harceler les productions, les castings… - et le
petit Burt, devenu bouboule à force d’être farci de fast-food (à défaut de mieux), qui court derrière sa
mère obstinée à lui fabriquer un destin de paillettes, obligé d’encaisser les ricanements des
standardistes, les moqueries des agents, les refus à répétition, jusqu’à décrocher enfin le rôle de sa
vie, celui du fils d’Obélix… jusqu’à ce que…
Grotesque et naïve, complètement à côté de la plaque, elle nous fait rire, la mère de Burt, avec sa vie
déglinguée, son rire impossible et ses rêves de réussite en carton-pâte ! Mais derrière ce parcours
quasi clownesque, c’est bien la détresse d’une paumée et d’un fils en perdition qui nous est racontée
à fond de train, l’histoire de deux ratés qui se sont ratés eux-mêmes à force d’errer dans une société
qui prône à longueur de télévision la réussite facile, le fric à gogo et la struggle for life comme seul
idéal de vie.
Entre cocasserie et bouffées d’émotion, l’écriture vive et inventive de Gilles Granouillet est un
magnifique défi-cadeau pour la comédienne de haut gabarit qu’est Linda Chaïb. C’est aussi l’irruption
du théâtre dans l’ordinaire d’une classe d’école, le surgissement joyeux et concret des questions
essentielles de la vie posées au coeur même de l’institution censée les gérer : questions des relations
parents/enfants, d’éducation, de transmission, d’autonomie, bref : de l’avenir de nos jeunes, de tous
les jeunes, dans une société qui oublie un peu trop souvent qu’elle est aussi et surtout une
démocratie…
François Rancillac
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