Joël Maillard
- 7 juillet 2005. Quatre bombes explosent dans le métro et les bus de Londres. J’allume ma télévision, enregistre.

Je ne puis réprimer des petits commentaires stupides, à chaud, ricanements amusés, puis petit à petit désabusés, d’un homme en vacances qui prend l’apéro en regardant Euronews un matin d’attentats, atterré par le LIVE, cet exercice impossible où le pathétisme journalistique prend le pas sur la barbarie des coupables et la tragédie des victimes.
Comment en arrive-t-on à être plus consterné par la prestation de la commentatrice d’Euronews que par le sort des victimes ? Perdrait-on le sens des réalités ?

Les kamikazes ayant rempli leur fonction, les victimes s’accumulant lentement pour donner à l’événement son indispensable relief comptable, la commentatrice d’Euronews accomplissant son labeur dans la douleur, il me restait, moi téléspectateur-réceptacle, à m’interroger. Jusqu’où peut-on aller pour défendre ses idéaux ? Quel est la place du sacrifice dans notre société et notre culture ? Et celle de la résistance ? Et celle du suicide ?

Des questions qui m’ont conduit à écrire un inventaire de réflexions poussées un peu trop loin, de provocations tordues et de propositions malhonnêtes. Tout cela est devenu Winkelried, du nom du seul « kamikaze » reconnu de l’histoire suisse.

Vincent Bonillo
- Habitué aux formes les plus directes et audacieuses, Winkelried m’a tout de suite intéressé, de par son propos résolument politique et absolument incorrect. Ce texte est un texte en devenir du simple fait qu’il s’inscrit dans notre temps, lui-même en perpétuel mouvement. Il m’a tout de suite frappé par sa fraîcheur, par sa désinvolture, et par ce qu’il draine de politiquement incorrect.

Joël Maillard
- Winkelried est une suite de tableaux, reliés les uns aux autres par cette question : comment se comporter en citoyen (et que diable signifie ce mot ?) face au terrorisme, lorsqu’on en est à la fois si loin et si proche, géographiquement, intellectuellement et culturellement, pour ne pas dire « télévisuellement » ?
Les deux protagonistes cherchent leur héros comme d’autres cherchent leur clown, réveillent le terroriste qui sommeille en eux, et invoquent notre mythique héros national pour examiner son acte suicidaire et le confronter au présent.
Interprétant différentes figures, ils relèvent les vertus du sacrifice, s’interrogent sur ces fameuses valeurs que les leaders de la guerre contre le terrorisme entendent défendre, et réalisent une enquête-sondage concernant le populisme, la liberté d’expression, et la souveraineté du peuple dans la démocratie directe.
Ils concluent en dissertant sur la célèbre phrase de Gilles Deleuze : résister c’est créer.

Vincent Bonillo
- Winkelried, loin d’être ce qu’on pourrait appeler un produit fini, est un manifeste provocateur et fragile sur notre place dans notre société. Tantôt jeté à la face de tous en équilibre sur le fil des événements, il a aussi le mérite de s’inscrire dans la réalité et dans l’histoire de la Suisse. En effet, au delà de nos questions existentielles, le pari de ce texte est aussi de s’ancrer dans notre vie quotidienne ainsi que dans notre environnement immédiat.

Il est bien souvent difficile de se déterminer face au monde du simple fait que si on veut le mettre en question, on ne peut se dédouaner d’en faire intimement partie. À la fois acteur et auteur de notre vie, il faut aussi en assumer les paradoxes et, même si cela fait mal, il faut essayer de se regarder en face.
Winkelried tente un véritable tour de force, plein de danger mais aussi de fragilité, ce qui me semble être en phase avec l’état du monde.

Kamikaze n.m. (mot japonais, vents divins)
1. Pilote japonais volontaire pour écraser son avion chargé d’explosif sur un objectif
2. Par extension. Personne téméraire qui se sacrifie pour une cause.
(Petit Larousse)

La chanson de Sempach (Sempacherlied)
Sempach ! Noble champ de gloire,
Ton fruit subsiste et ne meurt pas !
Du héros, de sa victoire,
Nous gardons bonne mémoire ;
De Winkelried le saint trépas,
Nous guide encore dans les combats