Avec une langue habile et musclée , Žanina Mirčevska saisit des thèmes majeurs (l'amour, la vie, la mort, l'art, le travail, l'argent, le bonheur) en convoquant à la fois l'humour, la poésie et le trivial.
Quinze tableaux, essentiellement des duos, composent la pièce.
L'habileté de l'auteure réside alors dans sa clarté et dans l'intelligence de la progression dramatique.

Les quatre personnages voient leur vie progresser comme un jeu d'échecs. Ils s'affrontent en joutes verbales sans concession, tantôt louvoyant et trompant l'autre, tantôt l'affrontant violemment et sans détour. Ces combats prennent corps par un habile déploiement de pensée et d'humour.

L'auteure a réussi le pari d'écrire avec densité et subtilité, en une langue proche de ses contemporains. Elle interroge les postures de ses personnages, sans jamais les condamner ni induire de jugement. Elle saisit une poésie souvent ironique, parfois romanesque, toujours familière.

Žanina Mirčevska construit sa langue pour le plateau, et la traduction de Maria Béjanovska transmet à la version française sa charpente rythmique et sa matière tangible. Cet appui permet au jeu de se déployer dans l'espace, d'aménager les conflits, et révèle le besoin d'une atmosphère épaisse.

Selon Žanina Mirčevska, le succès de certains artistes dépendent plus de leur vie privée que de leurs oeuvres. Ainsi, Albert manipule son ami Werther afin de présenter au public l'homme dépressif, l'homme scandaleux, pour mieux assurer le succès de ses pièces. C'est pourquoi l'auteure a choisi ce titre, Werther & Werther, elle évoque d'emblée le combat du protagoniste avec sa dualité : celui qu'il est, celui qu'on aimerait qu'il soit. La problématique rappelle celle d'artistes plus populaires. Ainsi, l'art et sa réception et sa place dans l'économie est encore un autre thème qu'ouvre Žanina Mirčevska.

Au-delà du titre, elle expérimente et questionne la réception directement avec le public : la première et l'avant-dernière scène du la pièce sont strictement identiques. Il s'agit de Lotte jouant une pièce écrite par le jeune auteur Werther. Elle pointe en expérience directe l'évolution du regard du spectateur entre le début et la fin d'un spectacle.