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Victor ou Les enfants au pouvoir

+ d'infos sur le texte de Roger Vitrac

: Le Roi de la fête

Voilà l’histoire d’un gamin surdoué autant que dégingandé, qui, dans les délires baroques et burlesques de la révolution surréaliste, s’engage contre un monde dont il ne veut plus.

Du haut de ses 1 m 80, Victor fête ses neuf ans. S’il a grandi si vite, c’est pour accélérer son entrée dans le monde adulte, impatient d’y prendre sa place et le pouvoir. Un monde aux apparences lisses, charmeuses, paisibles, dont l’égoïsme et l’hypocrisie déclenchent son dégoût, sa colère. Alors en ce jour anniversaire, emporté par le délire burlesque d’un vrai gosse, un surdoué qui se sent le roi de la fête et se croit tout permis, il dénonce. Tout y passe… Les ridicules et les mensonges de l’entourage, de la famille, y compris la liaison de son père avec une amie dont le mari est devenu complètement fou. Il veut forcer les adultes à se montrer, à se voir tels qu’ils sont, jusqu’à les pousser au suicide, jusqu’à en mourir lui-même.


Dans ce refus du monde tel qu’il est au-delà des apparences et des habitudes, Emmanuel Demarcy-Mota ressent des liens avec le roman de Günter Grass Le Tambour dont Volker Schlöndorff a tiré un film culte. Si son héros, contrairement à Victor refuse de grandir, il est poussé par les mêmes dégoûts et colères. Et si le film date de 1979 et le livre du début des années 60, l’histoire se passe à Dantzig en 1924. Créé à la Comédie des Champs-Élysées en décembre 1928, puis longtemps oublié, Victor ou les Enfants au pouvoir a retrouvé sa place et son impact lorsque Jean Anouilh – qui voyait, en cet enfant dévoré par une soif de pureté et de vengeance, un « Hamlet en culottes courtes » – l’a mis en scène en 1962 au Théâtre de l’Ambigu (salle des Boulevards aujourd’hui disparue), avant de le reprendre pour cause de succès l’année suivante à l’Athénée. Les inquiétudes rapprochent les époques.
Inquiétudes qui hantent Emmanuel Demarcy-Mota, et son théâtre, et d’ailleurs se retrouvaient dans Casimir et Caroline (2009 et 2010) de Horváth. La pièce date de 1932, se passe à Munich, décrit la dérive d’une société malade de toutes les incertitudes. Une société où la génération montante promise au chômage s’en va frénétiquement brailler à la Fête de la Bière, s’oublier, oublier qu’elle vit là sa dernière « Grande Illusion ».
La guerre de 1914 hante encore la génération de Roger Vitrac, celle des « années folles » du surréalisme, de «dada» – mouvements auxquels il a adhéré. Avec une violence des profondeurs, cette génération a rejeté la société « d’avant », ses principes et sa morale, son idéologie bourgeoise auto-satisfaite. Elle a prôné la liberté, toutes les libertés, y compris et surtout sexuelle…
Autant dire qu’entre les années 20 et 60 il y aurait comme une filiation.
Pour Emmanuel Demarcy-Mota, chez Vitrac, le désir amoureux et ses brûlures s’emparent des personnages, alors qu’il n’en est quasiment pas question chez Günter Grass, puisqu’aussi bien son héros ne veut pas devenir adulte.
« Vitrac est le précurseur du Théâtre de l’Absurde, il lui a ouvert la voie, l’a ouverte à tout le théâtre de l’imagination et du langage. Il a repris une phrase d’André Breton “Chère imagination, ce que j’aime en toi est que tu ne pardonnes pas”. »
Ainsi se tisse un lien non seulement de Vitrac à Horváth, mais aussi à Ionesco, dont Emmanuel Demarcy-Mota a monté à deux reprises, en 2004 et 2011 Rhinocéros. Et même à Pirandello, où il retrouve la complexité des rapports entre imagination et vérité, entre vie et mort, dans Six Personnages en quête d’auteur, donné de 2001 à 2002 notamment à la Comédie de Reims, au Théâtre de la Ville, aux Bouffes du Nord…
Et puis, ces oeuvres sont bâties autour de personnages en état de refus. Victor refuse le monde de sa famille, Casimir refuse d’adhérer à l’idéologie du profit, les personnages en quête d’auteur refusent la culpabilité, Bérenger, l’homme de Ionesco refuse d’entrer dans la société des rhinocéros qui a pris possession du monde. Refus qui les rejettent dans la solitude.

Colette Godard

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