: Le texte
Verticale de fureur de Stéphanie Marchais est le soliloque nocturne d’un ancien nazi face à la tombe d’une jeune femme juive, dans un cimetière, qu’il s’apprête, dit-il, à profaner.
D’origine hongroise, Milan Brazov a réussi à se soustraire à toute poursuite en changeant
d’identité.
Quarante ans plus tard, il vient, dans un cimetière désert, quémander le pardon de ses
actes d’autrefois, en feignant un repentir qui s’avère rapidement de pure forme. Car, au
fur et à mesure de son impudique confession, se dévoile peu à peu le monstre qu’il est
resté…
Dans le silence de ce cimetière juif qu’avec ses acolytes Brazov s’apprête à faire sauter, il
apparaît de plus en plus clairement que la nostalgie de ces années noires reste intacte :
ici et là, le ventre où sommeille la bête immonde dont parlait Brecht est encore chaud,
tout près de nous.
Le texte de Stéphanie Marchais, construit comme une lente descente en enfer, nous fait
sentir que les déviances qui conduisent aux crimes imprescriptibles ne sont pas le fait
d’êtres exceptionnels, mais résultent souvent d’une série de frustrations et de vexations
intimes qui peuvent toucher n’importe quel être humain.
En ce sens, sans chercher le moins du monde à justifier son odieux personnage, l’auteur
dépasse le cadre historique où se situent les agissements criminels de Milan Brazov, alias
Dieter Lehrbach, exécutant zélé d’une folie partagée et donne à son propos une
dimension universelle.
Texte éprouvant tant la tension dramatique est portée tout au long à son paroxysme,
Verticale de fureur déroule une série de postures derrière lesquelles le protagoniste
s’abrite pour esquiver sa responsabilité.
Séducteur, Brazov renouvelle la donjuanesque invitation à dîner du vif au mort, et tente
cyniquement d’acheter, à coup de billets de banque, la compassion de sa victime pour
mieux obtenir le pardon de ses crimes.
Jouant de son inquiétante folie, il révèle une schizophrénie très élaborée. Affectant de
n’être qu’un médiocre fonctionnaire dépassé par une tâche dont il n’assume pas la
monstruosité, livrant des bribes de son passé intime comme autant d’aveux indécents, il
sollicite un pardon impossible. Sa confession, qui voudrait effacer son ignominie, n’est en
fait qu’une ultime et grotesque, clownesque, profanation.
Pitoyable pénitent, et surtout comédien impénitent qui joue avec maestria de tous les
trucs du métier, Brazov, debout, assis, couché, devant cette tombe, apparaît comme un
cabotin qui déploie toute une palette d’effets pour piéger la (mauvaise) conscience des
spectateurs.
Et comme dans Richard III, le théâtre se transforme alors en miroir impitoyable de la
monstruosité humaine.
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