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Valse aux cyprès - Anamnèse d'un prochain massacre

+ d'infos sur le texte de Julien Mages
mise en scène Julien Mages

: Notes d'intentions

Quelques mots préalables :


Quelques fondamentaux, je l’avoue, sont nécessaires entre l’irruption d’une idée et la réalisation d’un projet. ​


Tout d’abord je suis victime d’une certaine fascination pour ce qui se situe dans les marges. Quelles soient sociales ou individuelles, qu’il s’agisse de la maladie mentale, de l’indigence morale ou matérielle, du suicide, de l’infanticide, du viol ou encore d’une mauvaise résilience due à une quelconque perte de repères, c’est bien malgré moi que j’ai imposé ces maux par mes mots à notre troupe. En effet ceux-ci se sont vus, avec l’énergie et le talent que je suis fier de leur reconnaître, arborer toujours davantage de douleurs et de cris, se frotter les corps à la noirceur de mon stylo, tenter de se frayer un chemin dans les méandres accidentés de personnages perdus, divisés, malades ou mourants, victimes ou coupables. Des deux masques du théâtre que sont le rire et les larmes, la comédie et la tragédie, le vaudeville et le drame, nous nous sommes engouffrés dans le deuxième, non sans essayer de faire rire par moments, car chacun de ces visages dérobe à l’autre une partie de son essence pour afficher complet.


C’est donc cette bonne vieille Melpomène que j’invoquerai encore pour parcourir cette nouvelle aventure au pays du meurtre. Mais je compte bien, cette fois-ci, commettre la faute et lui devenir infidèle. Le plus possible ! En effet je désir trahir deux fois.
Premièrement, ces nouveaux personnages-archétypes seront tout ce qu’il y a de plus normal : pas de maladie, insérés, instruits, équilibrés, bref normaux.
Deuxièmement, je veux traiter le sujet du meurtre de masse avec un décalage permettant le rire.
C’est donc vers une tragi-comédie contemporaine sur le massacre de masse que je désire cette fois m’en aller.
Ainsi ce qui m’a décidé à prendre ce sujet actuel et grave comme thème de création est l’angle sous lequel il est possible de le traiter sans s’en départir.
C’est donc à la fois vers l’absurde, le drame, le rire, le rock, l’électro, le web, la mode, l’adolescence, la jeunesse, la révolte, l’engagement politique, la religion, les armes, les armes comme jouets, la littérature, la littérature comme jouet, la poésie, la poésie comme manifeste, le capitalisme, la consommation, l’anxieuse condition d’être jeune aujourd’hui, l’incompréhension, la philosophie, la guerre vue d’ici, la Suisse vue de la Suisse, les médias, le cinéma, et enfin l’idée du meurtre, que nous allons diriger nos investigations théâtrales.
Car je tiens à développer ce projet comme une investigation théâtrale.
Le but étant de chercher ce qui pourrait pousser des jeunes gens apparemment normaux vers cette extrémité meurtrière.


L’histoire :


Elle sera simple. Les trois unités de temps, de lieu et d’action permettront une plongée dans le moment crucial de la décision. Cinq jeunes gens cherchent « quelque chose à faire »… Un début exposera leur envie de s’engager, de changer quelque chose, d’être une fois différents. Puis peu à peu quelque chose de sombre apparaîtra dans ce qui devait être « une soirée entre amis » : un dégoût, une incompréhension, une révolte, une rage, puis peu à peu une décision irrévocable, irréparable, insidieuse, et prenant de plus en plus de force dans ce groupe sans histoire… Ils décideront de tuer.C’est donc entre le moment de l’idée et de la décision de commettre un massacre que se situera l’action de la pièce.​L’écriture :Comme je l’ai dit plus haut il s’agira pour ce projet d’investiguer.Trois grandes périodes jalonneront donc cette recherche :- Documentation, enquêtes de tout poil (lectures, rencontres, documentation, réflexions personnelles.)- Rassemblement des recherches de chacun. Ecriture d’une première version non-exhaustive et laissant la place à l’enquête de plateau.- Plateau : Improvisations et recherche des caractères, recherche de mise en scène : internet (comment utiliser le média à l’image de son utilisation par les meurtriers comme Anders Breivik, les étudiants de Colombine et Virginia Tech…, des essais de vidéo en direct et utilisation quelconque du média…)Finalisation de l’écriture en partant du collectif. ​J’aimerais à la fois écrire une histoire mais aussi entreprendre une recherche collective à force de plateau et du matériel personnel de chaque comédien. En effet, cette thématique effrayante ne peut s’aborder frontalement, nous devrons trouver de nouvelles ressources et une autre façon de travailler.L’idée, ici, est également de fomenter un projet sérieux et politique, d’aborder une vraie critique, non pas uniquement des meurtriers, mais des conditions sociales et personnelles dans lesquelles ces actes sont perpétrés.Ce qui est important c’est de rechercher ce qui peut engendrer une telle idée et surtout quelle en est sa genèse.L’idée de la religion et du prisme du terrorisme, par l’exemple de Mohamed Merah entre autre, ne pourra pas être éludée. Celle de la pathologie « invisible », comme dans le cas de James Holmes dans la salle de cinéma projetant Batman, ou encore la tuerie de Liège par Nordine Amrani, apparemment délinquant et sortant de prison, et les cas de plus en plus fréquents d’étudiants comme ceux de Colombine et Virginia Tech pour ne citer que les plus tristement célèbres d’entre eux, tels seront les exemples sur lesquels notre recherche prendra sa source.Je crois que comme dans toutes les écritures, le sujet prépondérant, ici celui du meurtre de masse, est à chaque fois une excuse pour parler des profondeurs mystérieuses de l’âme humaine et des incidences toujours complexes que celle-ci peut avoir dans la société qui compose notre quotidien.Ainsi, nous ferons le pari de faire un spectacle de ce grand malheur qui frappe comme un quasi phénomène de mode autant de victimes innocentes dans des régions dites « pacifiées ». Il est très important de noter que ce sujet est très délicat et qu’il demande une vraie enquête ainsi qu’une objectivité rigoureuse.Je ne pense pas avoir besoin de rappeler l’urgence du propos.


Conclusion :


J’insiste à la fois sur le sérieux de la thématique et de son acception poétique visant à mettre en abîme la fiction qui semble trop souvent rattraper les véritables tueurs dans notre réalité.
Il s’agit surtout d’investiguer autour du malaise social qui pousse tant de jeunes, sans pour autant qu’ils passent à l’action, à se retrancher dans la violence et l’autodestruction, dans la haine qui trop souvent prend sa source dans le miroir social…
Encore une fois nous ne sommes que des artistes de théâtre et notre but n’est pas d’apporter des solutions tangibles, mais de soumettre au crible de notre art ce qui semble de plus en plus se dessiner comme un phénomène lié à notre époque.
J’insiste également sur la recherche collective qui me permettra par la suite d’écrire une pièce qui ressemble à ce que nous vivons aujourd’hui, autant dans les excès que représente la modernité que dans ses avantages non moins considérables. Un mode nouveau de communication change nos vies ; il se peut qu’il change aussi notre façon d’envisager le théâtre et l’art en général.
Je pense que notre collectif est prêt pour aborder un sujet aussi délicat et c’est avec un réel engagement que nous désirons l’aborder.

Julien Mages

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