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Trahisons

+ d'infos sur le texte de Harold Pinter traduit par Eric Kahane
mise en scène Vincent Garanger

: Trahisons / La Campagne

D’une pièce à l’autre, un suspens des êtres

Les deux pièces jouent d’un effet de miroir intéressant. Elles existent fortement, indépendamment l’une de l’autre, mais mille motifs les rapprochent et il semble pertinent de tirer les fils de l’une à l’autre. Écrites à vingt ans d’intervalle, se passant plus ou moins dans le même milieu qu’on peut qualifier d’aisé, ces deux pièces sont indéniablement britanniques, adjectif qui veut tout et rien dire, mais il est indiscutable que les deux écrivains possèdent cet « humour anglais », cette capacité de distance et de dérision face aux situations les plus graves qui peut presque passer pour de la froideur ou de l’insensibilité. Dans La Campagne, Corinne félicitera ainsi son mari de ne jamais se départir de son fameux sens de l’humour, et par deux fois, vu l’intensité des situations, elle a craint et, qui sait, peut-être même espéré, qu’il le perde. Ce flegme, on le retrouvera également chez Robert, le mari d’Emma dans Trahisons, quand il comprendra qu’elle le trompe. Par un sens aigu du dialogue, on peut vraiment dire virtuose, Harold Pinter et Martin Crimp, son digne héritier, créent des personnages fondamentalement imprévisibles dans des situations banales. Une étrangeté apparaît qui déplace le regard et nous rend à l’affût du moindre signe. Un battement de paupières, un raclement de gorge, tout peut faire sens et devenir dangereux, car, derrière ce calme apparent et ces répliques à fleurets mouchetés, se joue un drame dont nous savons bien que nous n’avons pas toutes les clés en main comme dans La Campagne. Et quand bien même nous les avons, comme c’est le cas dans Trahisons, un mystère impossible à élucider, une non résolution psychologique des êtres, nous tient en haleine et nous fait regarder le quotidien autrement, dans l’insondable opacité des êtres les plus proches. Un climat d’insécurité latent, difficile à nommer, nous fait craindre ou parfois espérer un acte de violence qui pourrait exploser et assainir l’atmosphère. Mais, dans un sens consommé du suspens et de la retenue, parfois même de la rétention, nous ne saurons jamais ce qui s’est véritablement passé.


Ce théâtre de chambre exige tout des acteurs, notre regard de spectateur les cherche toujours en gros plan. Ils jouent sur le fil du rasoir et nous ne savons pas si nous ne souhaitons pas les voir tomber et se couper.

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